Journée mondiale de la sécurité et santé au travail : opportunités et défis de demain
Le monde du travail se transforme. A l’occasion de la journée mondiale pour la sécurité et la santé au travail le 28 avril 2019, l’Organisation mondiale du travail (OIT) a fait le point sur les évolutions majeures qui impactent la sécurité et la santé au travail.
Les évolutions technologiques, la démographie, le changement climatique et les changements dans les pratiques de travail créent de nouvelles préoccupations pour la sécurité et la santé au travail (SST), d’après le dernier rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), publié en amont de la journée mondiale pour la SST le 28 avril 2019.
Comme le déclare Manal Azzi, experte technique de l’OIT en matière de sécurité et santé au travail :
« La prévention des risques établis devient plus efficace, mais nous observons de profonds changements dans nos lieux de travail et nos modalités de travail. Il faut que les structures de sécurité et de santé en tiennent compte, avec une culture générale de prévention pour créer une responsabilité partagée. »
Impact des nouvelles technologies
Les progrès rapides des technologies affectent presque tous les aspects du monde du travail : travailleurs, outils de travail, lieu et nature du travail, modes d’organisation… La numérisation, la robotique et les nanotechnologies, entre autres, révolutionnent le lieu de travail mais soulèvent aussi de vives inquiétudes en matière de SST.
Par exemple, pointe le rapport de l’OIT, l’essor de la numérisation et de dispositifs intelligents a permis d’instaurer un suivi en temps réel des travailleurs pour réduire l’exposition aux dangers mais, dans le même temps, porte atteinte à l’autonomie des travailleurs et à la vie privée du fait de la collecte et de l’enregistrement d’informations personnelles sensibles.
La multiplication de pratiques comme le télétravail, le travail mobile et les horaires flexibles peut, par ailleurs, réduire la durée des trajets domicile-travail ainsi que le stress et le risque d’accidents associés. Ces pratiques imposent cependant de gérer les risques psychosociaux liés au travail isolé et la possible érosion des frontières entre travail et vie privée.
L’automatisation et la robotique peuvent permettre de soustraire les travailleurs à des environnements dangereux ou les dispenser de certaines tâches routinières sources de stress et de troubles musculosquelettiques. Mais ils présentent aussi de nouveaux risques liés à l’interaction homme-machine, aux champs électromagnétiques, à une perte de contrôle et de connaissances des procédés de travail.
Enfin, le développement, la production et l’utilisation des nanomatériaux, et les dangers spécifiques qu’ils présentent pour la santé, doivent être pris en compte.
L’OIT affirme, dans son rapport, « la nécessité d’une politique nationale pour assurer l’information des travailleurs, leur éducation et la mise en place de formations […] pour que des niveaux de sécurité et d’hygiène suffisants soient atteints ».
Démographie
Alors que le nombre de jeunes augmente dans certaines régions du monde, dans d’autres, les populations vieillissent. Par ailleurs, les disparités entre les sexes persistent sur le marché du travail, dans les pays développés et en développement, et les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’occuper des emplois atypiques.
« Il est important que les implications des changements démographiques en relation avec la sécurité et la santé au travail soient prises en compte pour contribuer à élaborer des politiques et des stratégies efficaces pour tous les travailleurs, aujourd’hui et demain », pointe le rapport.
Changement climatique
Le changement climatique, lui, augmente les risques d’exposition à la pollution atmosphérique, au stress thermique ou à des maladies émergentes.
Selon les estimations de l’OIT, une hausse des températures globales de 1,5 °C d’ici la fin du 21 siècle rendra, d’ici 2030, 2 % des heures de travail trop chaudes pour travailler, soit une perte de 72 millions d’emplois à temps plein.
« Néanmoins, son impact sur la SST ne mobilise pas beaucoup l’attention des politiques ou du grand public, peut-être parce que la hausse des niveaux de stress thermique au travail est pour l’essentiel invisible par rapport à l’exposition à des substances chimiques ou à la pollution de l’air, lit-on dans le rapport. Cette menace invisible est pourtant tout aussi dangereuse, voire même mortelle au-delà de certains seuils. »
Évolutions de l’organisation du travail
Le rapport souligne que, partout dans le monde, la durée du travail de nombreux travailleurs est excessive, souvent en raison d’évolutions des modalités de travail ou de faibles salaires. “Parallèlement, une part croissante de la main-d’œuvre mondiale occupe des emplois temporaires, à temps partiel, contractuels, irréguliers, occasionnels ou à la demande.”
Quatre catégories de risques au moins sont associées à ces formes d’organisation du travail: les risques de lésion et les accidents, les risques psychosociaux et de harcèlement, l’exposition à des conditions de travail dégradées et à des dangers, et les problèmes de fatigue.
En outre, le recours croissant à l’aménagement du temps de travail (télétravail, horaires flexibles, etc.) nuit à l’équilibre entre travail et vie privée.
Répondre aux nouveaux enjeux de la sécurité et santé au travail
Face à ces défis, le rapport de l’OIT propose aux décideurs politiques et aux autres parties prenantes de se concentrer sur six domaines :
- anticiper les nouveaux risques SST émergents,
- adopter une gestion pluridisciplinaire de la SST,
- renforcer les compétences en matière de SST,
- renforcer les liens avec les travaux sur la santé publique,
- renforcer les normes internationales du travail et les législations nationales,
- renforcer la coopération entre gouvernements, travailleurs et employeurs.
Chaque année, 2,78 millions de travailleurs perdent la vie du fait d’accidents du travail et de maladies professionnelles et 374 millions sont victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles non mortels, selon l’OIT. Les journées de travail perdues représenteraient près de 4 % du PIB mondial.
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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