Blocages, grèves, intempéries : comment s’organiser ?

16 novembre 20188 min
Manifestion gilets jaunes. Photo Thomas Bresson/Flickr/CC

Blocages, grèves, intempéries : comment s’organiser ?

Alors que les gilets jaunes se mobilisent pour bloquer les routes depuis samedi 17 novembre 2018, comment les entreprises peuvent-elles s’organiser ? La réponse tient en 3 lettres : PCA. Pour cette occasion, nous republions un article paru en 2014 sur le sujet. En effet, qu’il s’agisse d’un sinistre, d’intempéries ou de mouvements sociaux, les occasions de dégainer le plan de continuité d’activité ne manquent pas.

Basé sur l’identification des vulnérabilités de l’entreprise, de ses processus vitaux et de ses postes clés, le plan de continuité d’activité (PCA) permet de limiter les impacts d’un sinistre en assurant le redémarrage rapide de l’entreprise et son fonctionnement, même a minima.

Parce qu’un sinistre peut avoir des conséquences graves et qu’anticiper une crise permet de réagir plus vite et plus efficacement, la mise en place d’un plan de continuité d’activité (PCA) est un choix stratégique pour les entreprises. Document écrit et régulièrement mis à jour, le PCA planifie la réaction de l’entreprise face à une catastrophe ou à un sinistre grave et permet d’assurer la pérennité de ses fonctions vitales.

Exemple chez Foods International 

Foods International l’a bien compris. L’entreprise, qui distribue les produits Twinings, La Tisanière, Ovomaltine et Jordans en France, en Belgique et aux Pays-Bas, s’est dotée d’un tel plan en 2011. Il a été jugé par le contrôle interne comme l’un des meilleurs du groupe.

L’entreprise, créée en 1968, est la filiale française de Twinings-Ovomaltine, qui appartient au groupe anglais Associated British Foods. Elle comprend, en France, son siège social à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) et un entrepôt de stockage de 10 000 m² dans une commune voisine, à Saint-Ouen-l’Aumône. L’entreprise achète les produits manufacturés aux quatre usines du groupe situées en Suisse, Angleterre, Pologne et Chine. Les produits finis sont acheminés par camions à l’entrepôt, où ils sont stockés temporairement avant d’être livrés aux clients, principalement des entrepôts de la grande distribution. 10 000 tonnes de produits sortent de l’entrepôt par an, soit environ 100 000 palettes. Foods International emploie une centaine de personnes en France. Une vingtaine à l’entrepôt, une trentaine sur le terrain pour assurer le placement des produits dans les grandes surfaces et une cinquantaine au siège.

Une prise de conscience

L’entreprise a lancé sa démarche de continuité d’activité en 2009, avec un PCA « très léger », confie Arnaud Bernet, directeur administratif et financier et responsable PCA. « Il s’agissait d’un papier de quelques pages structurant la démarche à suivre en cas de pandémie grippale. » Deux ans plus tard, l’entreprise s’est dotée d’un vrai PCA, pour deux raisons. La première vient d’une demande de plus en plus pressante de la maison mère, qui a inscrit en rouge dans son recueil de bonnes pratiques distribué aux filiales la nécessité d’avoir un PCA. « Le groupe s’est assuré que tout le monde se posait la question de la pérennité dans le temps », souligne Arnaud Bernet. La deuxième, c’est la prise de conscience, en interne, qu’il était primordial de gérer le risque et de connaître les process et les personnes clés de l’entreprise.

« Sans PCA, nous risquons l’arrêt de l’entreprise, donc des pertes de résultats, mais aussi une perte d’image auprès de nos clients et auprès des consommateurs qui, s’ils ne trouvent pas nos produits en rayons, vont en tester d’autres et pourront se détourner de nos marques », analyse Arnaud Bernet, qui s’est vu confié, en 2010, la mission de l’élaboration du PCA. Avec l’aide de Devoteam, spécialiste des solutions de gouvernance et de continuité d’activité, l’élaboration du plan a duré un an et a impliqué toute l’entreprise. Des groupes de projets ont été formés pour définir les processus de fonctionnement clés, les risques prioritaires de l’entreprise et les niveaux de services minimum indispensables. « Peu importe la cause, que ce soit un incendie, une inondation, une panne d’électricité, une grève des transports ou encore une indisponibilité des serveurs, au final, la problématique est la même : l’inaccessibilité à l’entreprise et aux activités clés et donc l’impossibilité d’assurer le service auprès de nos clients », remarque Arnaud Bernet.

Repérer les postes clés

Les groupes de travail ont élaboré quatre cas auxquels ils voulaient apporter des réponses : indisponibilité partielle ou totale du siège, indisponibilité partielle ou totale de l’entrepôt. Trois processus vitaux ont été identifiés. Quoi qu’il arrive, l’entreprise doit être en mesure de prendre les commandes de ses clients, d’approvisionner les produits et de les expédier. L’étape suivante a été d’identifier les postes clés opérationnels. « Nous en avons listé une dizaine, qui doivent retravailler dans les 24 heures qui suivent le sinistre, explique Arnaud Bernet. À savoir une personne en charge de l’approvisionnement, une en charge des commandes clients, une personne des services généraux, deux personnes en finance, une personne des ventes et les quatre postes du service informatique. » Dans les 48 heures, une vingtaine de personnes doit être opérationnelle.

Le PCA prévoit un back-up pour chaque site. Si le siège est indisponible, une salle PCA au dernier étage de l’entrepôt peut accueillir les 10 personnes clés. Il y a 10 chaises, 10 ordinateurs, 10 téléphones… La salle des serveurs informatiques est par ailleurs dupliquée dans l’entrepôt, équipé pour recevoir un groupe électrogène. Si l’entrepôt est touché, un plan de fonctionnement en mode dégradé a été décidé. « La solution idéale aurait été d’avoir un 2e entrepôt à disposition, mais c’est trop coûteux. Nous avons donc opté pour la location d’un local, l’entrepôt d’un prestataire, pour au moins approvisionner les clients clés et faire partir les plus grosses commandes. »

Coordonnées des personnes clés, chefs de file de chaque service, liste de ce que chacun doit faire, contacts des clients et fournisseurs, procédures clés, étapes à respecter, tout est ainsi écrit dans le PCA, disponible en formats papier, numérique et sur un serveur externe. « Tout est noté pour cadrer les premières heures après le sinistre, ensuite les instructions viennent de la cellule de crise décisionnelle. Il est important d’avoir de grands basiques, mais il faut garder une part d’adaptabilité », ajoute Arnaud Bernet.

Des exercices réguliers

Depuis son élaboration, le PCA a été testé deux fois. Le premier test, les 15 et 16 mars 2012, a permis à l’entreprise de valider le plan. Le scénario était le suivant : un incendie dans la salle informatique au siège. Les salariés avaient été prévenus du jour de l’exercice, mais pas du scénario. « Je suis passé dans les couloirs avec un sifflet en annonçant que le PCA avait été déclenché, raconte Arnaud Bernet. Les salariés ont suivi les procédures d’évacuation prévues dans le plan et se sont rassemblés sur le parking. »

Parallèlement, l’équipe informatique et l’équipe des services généraux ont activé la salle de secours dans l’entrepôt. L’entreprise a arrêté de fonctionner normalement pendant deux jours. Les salariés identifiés aux postes clés sont restés, les autres sont rentrés chez eux. Il a fallu 24 heures pour tout mettre en place. « Nous avons noté des choses à améliorer, comme la manière de communiquer aux salariés ou de rythmer le plan. »

Le second test a eu lieu le 3 juillet 2013. Cette fois, c’était un exercice impromptu, seules trois personnes étaient au courant. Le scénario a simulé l’effondrement d’une partie du plafond au siège. Les salariés dont les bureaux n’avaient pas été impactés sont restés sur place, les autres sont allés dans la salle de secours dans l’entrepôt. « L’exercice a duré 12 heures, c’était un succès, souligne Arnaud Bernet. L’objectif était de montrer qu’un sinistre peut arriver n’importe quand. Les salariés oublient qu’on a écrit un PCA pour guider les premières heures après un sinistre, des exercices permettent de le leur rappeler. » Le responsable PCA rappelle qu’il est indispensable de réaliser des tests réguliers, idéalement une fois par an, pour inscrire la démarche dans l’esprit des gens. « Qu’ils sachent qu’il y a un PCA avec des instructions de base à respecter et qu’ils se disent en cas de crise, “c’est lui mon référent”. »

Food International a déclenché son PCA, en réel, les 12 et 13 mars 2013, alors qu’un épisode neigeux rendait difficile l’accès au siège et à l’entrepôt. Une partie des camions a pu partir, certains salariés qui habitaient tout près ont pu accéder à l’entrepôt. Au siège, seules deux personnes se sont déplacées pour assurer le traitement des commandes. Aux autres, il a été demandé de ne pas prendre de risque, de rester chez eux et de télétravailler. Pour le test de 2014, Arnaud Bernet imagine un exercice dont lui-même ne serait pas au courant. Pour tester, encore un peu plus, la mise en œuvre du PCA et les réflexes nécessaires pour passer les premières heures après le sinistre.

Gaëlle Carcaly
Journaliste

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