ICPE : les restrictions d’eau en période de sécheresse

24 juillet 20257 min

Depuis 2022, les périodes de sécheresse se sont multipliées et durcies en France. Face à ce constat, le gouvernement a adopté une stratégie visant à assurer une meilleure gestion de l’eau.

Restrictions d'eau pour les ICPE ©24Novembers/AdobeStock

La stratégie gouvernementale de gestion de l’eau se matérialise notamment par l’adoption de l’arrêté du 30 juin 2023 qui est venu poser le cadre réglementaire national régissant la gestion de l’eau, en période de sécheresse, au sein des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Tenant compte du retour d’expérience acquis depuis sa publication à l’été 2023, le ministère de l’Environnement est venu le modifier, un an plus tard, afin de favoriser sa mise en œuvre.

Champ d’application

L’arrêté du 30 juin 2023 impose de nouvelles obligations à la charge des exploitants d’ICPE :

  • dont le prélèvement d’eau total annuel est supérieur à 10 000 mètres cubes (m³) et qui relèvent soit du régime de l’autorisation (A) soit de celui de l’enregistrement (E).

Précision : le prélèvement d’eau désigne les prélèvements, en m³ par jour, effectués dans le réseau d’adduction (eau potable), éventuellement dans d’autres réseaux et dans le milieu naturel (eaux superficielles ou souterraines), à l’exclusion des prélèvements en milieu marin, de la récupération d’eaux de pluie pour leur réutilisation et des eaux réutilisées.

Il ne s’applique pas :

  • aux installations nécessaires à certaines activités telles que :
    • le captage, le traitement et la distribution d’eau potable ou d’eaux conditionnées/d’eau destinée aux établissements de santé, aux établissements et aux services sociaux et médico-sociaux ;
    • la transformation agroalimentaire en flux poussé ;
    • la production, la distribution et la cogénération d’électricité ;
    • la collecte, le tri, le transit, le regroupement et le traitement de déchets dangereux et non dangereux ;
  • aux exploitants des établissements ayant réduit leur prélèvement d’eau d’au moins 20 % depuis le 1er janvier 2018 ;
  • à ceux dont les établissements utilisent au moins 20 % d’eaux réutilisées par rapport à leur prélèvement d’eau ;
  • à ceux dont les établissements sont nouvellement autorisés ou enregistrés depuis le 1er janvier 2023.

Obligations des exploitants

Les exploitants concernés doivent répondre à certaines exigences en période de sécheresse, lesquelles diffèrent selon les niveaux de gravité rencontrés. Elles consistent principalement à diminuer le taux de prélèvement d’eau (voir la synthèse dans le tableau ci-dessous).

Niveau de gravité Prescription de l’arrêté ministériel
Vigilance Sensibilisation accrue du personnel aux règles de bon usage et d’économie d’eau selon une procédure écrite affichée sur site.
Alerte Réduction de 5 % du volume de référence.
Alerte renforcée Réduction de 10 % du volume de référence.
Crise Réduction de 25 % du volume de référence.

Tableau extrait de la note d’application de l’arrêté « sécheresse » émise par le ministère de l’Environnement (version du 13/08/2024).

Définition du volume de référence à prendre en compte

Ces diminutions de prélèvement d’eau doivent être appliquées à partir d’un volume de référence qui correspond au prélèvement d’eau moyen journalier. Redéfini par un arrêté du 3 juillet 2024, le volume de référence équivaut, « pour chaque milieu de prélèvement, en période normale d’activité et hors période de sécheresse, au maximum entre la moyenne des volumes journaliers prélevés calculés sur l’année civile précédente et la moyenne des volumes journaliers prélevés calculés sur le trimestre civil correspondant de l’année précédente ».

L’arrêté du 3 juillet 2024 a créé une valeur forfaitaire de 5 % qui peut être déduite de ce volume de référence. Elle correspond aux usages nécessaires pour assurer la sécurité des installations et la protection de l’environnement. L’exploitant peut déduire un volume supérieur s’il le justifie auprès de l’administration. Les volumes d’eaux d’exhaure ne sont pas concernés par ce « volume de sécurité ». Ils peuvent donc être déduits du volume de référence (voir l’illustration ci-dessous).

Note d’application de l’arrêté « sécheresse » émise par le ministère de l’environnement (03/07/2024)

Déterminer le volume à utiliser pour calculer la réduction à atteindre en période de sécheresse. Illustration extraite de la note d’application de l’arrêté « sécheresse » émise par le ministère de l’environnement (version du 03/07/2024).

Modalités pratiques

Les réductions sont effectuées sur chacun des prélèvements visés par un niveau de gravité. Elles sont satisfaites au plus tard trois jours après le déclenchement du niveau de gravité correspondant. En présence de niveaux de gravité d’alerte renforcée ou de crise, l’exploitant communique, chaque semaine calendaire, au plus tard le mercredi, à l’inspection des ICPE :

  • les volumes d’eau journaliers prélevés et consommés sur la semaine calendaire précédente ;
  • le volume journalier moyen prévisionnel prélevé et consommé pour les besoins de son installation pour la semaine calendaire en cours.

Ces éléments sont transmis conformément à l’arrêté du 28 avril 2014 relatif à la transmission des données de surveillance des émissions des ICPE.

Informations tenues à la disposition de l’administration

En complément, les exploitants doivent tenir à la disposition de l’inspection des ICPE un certain nombre d’informations (voir la synthèse dans le tableau ci-dessous).

Les exploitants entrant dans le périmètre des exclusions tiennent à la disposition de l’inspection les justificatifs le prouvant pour les installations concernées.

Tableau des informations qui doivent être tenues à la disposition de l’inspection des ICPE

Élements à fournir Délais à respecter
« La liste des milieux de prélèvement et de rejet, des volumes d’eau prélevés, rejetés et consommés associés à chaque milieu de prélèvement et de rejet, direct ou indirect, ainsi que les codes des masses d’eau associées ».
Ces volumes sont renseignés :

  • une fois par semaine si le débit total prélevé excède 100 m³ par jour ;
  • chaque mois si ce débit est inférieur.

L’exploitant rédige des synthèses trimestrielles et annuelles de ces informations.

Éléments à établir au plus tard le 06/10/2023 par tous les exploitants d’ICPE dont le prélèvement d’eau total annuel est supérieur à 10 000 m³ soumises à A ou E.
Le volume de référence et les éléments permettant de le calculer et de le justifier. Éléments à établir au plus tard trois jours après le déclenchement d’un niveau de gravité pour les exploitants soumis aux prescriptions « sécheresse ».
Si nécessaire, le volume d’eau moyen journalier, détaillé par type d’usages, nécessaires à la sécurité des installations et à la protection de l’environnement, s’il est supérieur aux 5 % forfaitaires.
La procédure de sensibilisation accrue du personnel aux règles de bon usage et d’économie d’eau.
Si concerné, « les justificatifs attestant des réductions du prélèvement d’eau d’au moins 20 % depuis le 1er janvier 2018, ou d’utilisation d’au moins 20 % d’eaux réutilisées ». Éléments à établir au plus tard trois jours après le déclenchement d’un niveau de gravité pour les exploitants concernés.
La liste des améliorations ou investissements permettant de réduire les volumes prélevés ou consommés et les volumes économisés correspondants, chaque année, depuis le 1er janvier 2018. Éléments à établir au plus tard le 06/10/2023 par tous les exploitants d’ICPE dont le prélèvement d’eau total annuel est supérieur à 10 000 m³ soumises à A ou E.

La réglementation de nouveau modifiée ?

Le Conseil général de l’économie et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable ont élaboré un rapport sur la sobriété hydrique des ICPE (juillet 2024). Celui-ci contient 15 recommandations pour mieux coordonner les règles applicables aux prélèvements d’eau en industrie. Tenant compte de la situation locale des masses d’eau, il recommande en particulier :

  • la mise à jour des arrêtés d’autorisation (d’ici deux à cinq ans) pour définir des niveaux maximums de prélèvement adaptés à la situation hydrique locale dans les zones en tension des Sdage et les ZRE (recommandation n° 5) ;
  • l’inclusion, au sein des arrêtés individuels des ICPE, des mesures à prendre en cas de sécheresse ;
  • la substitution de l’arrêté du 30 juin 2023 par un guide pouvant intégrer des dispositions « sur les mesures structurelles de maîtrise des trajectoires de prélèvements » (recommandation n° 7).

Partagez cet article !


Article extrait du n° 608 de Face au Risque : « Vidéosurveillance algorithmique » (juillet-août 2025).

Manon Janvier

Consultante au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation

Les plus lus…

Icône newsletter 2024

Inscrivez-vous
à notre
newsletter

Recevez toutes les actualités et informations sûreté, incendie et sécurité.

Logo WhatsApp 538px

Rejoignez notre
chaîne WhatsApp

À lire également