Devoir de vigilance : un accord européen trouvé
Le 15 mars 2024, après d’âpres négociations, les États membres du Conseil européen ont enfin trouvé un accord autour de la directive relative au devoir de vigilance dont l’objet est de rendre les grandes entreprises responsables des violations des droits humains et des dégâts causés à l’environnement.
Un long cheminement pour le devoir de vigilance européen
Le 23 février 2022, la Commission européenne avait publié une proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises. Celle-ci s’appuyait sur la loi française du 27 mars 2017 promulguée à la suite du terrible accident du Rana Plaza au Bangladesh survenu le 24 avril 2013 qui a fait 1 134 morts et environ 2 500 blessés.
Cette loi stipule que toutes les grandes entreprises (+5 000 salariés) doivent établir et mettre en œuvre un plan de vigilance pour prévenir les atteintes graves aux droits humains, aux libertés fondamentales, à la santé et la sécurité des personnes et à l’environnement. Et ceci pour leurs activités propres et celles des entités constituant leur chaîne d’approvisionnement (filiales, sous-traitants, fournisseurs).
La proposition initiale de directive européenne
La proposition de directive européenne était cependant plus ambitieuse que la loi française. En effet, elle prévoyait que le devoir de vigilance s’applique :
- à toutes les sociétés de l’Union européenne employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d’affaires net supérieur à 150 M€ à l’échelle mondiale (groupe 1);
- aux autres sociétés exerçant des activités dans des secteurs à fort impact sur les droits humains et l’environnement (industries textile, du cuir, de l’agriculture, des mines…), qui emploient plus de 250 personnes et réalisent un chiffre d’affaires net d’au moins 40 M€ à l’échelle mondiale (groupe 2) ;
- les entreprises de pays tiers dont le seuil de chiffre d’affaires réalisé dans l’UE est aligné sur celui des groupes 1 et 2.
Selon les estimations de la Commission, près de 12 000 entreprises européennes (dont 1 582 françaises) étaient concernées. Les amendes pouvaient atteindre 5 % du chiffre d’affaires mondial des contrevenantes.
Revirement de situation
Le 13 décembre 2023, les eurodéputés, le Conseil de l’UE et la Commission européenne avaient trouvé un accord sur cette proposition. Restait cependant le vote des membres des gouvernements siégeant au Comité des représentants permanents du Conseil de l’UE, prévu le 9 février 2024. Mais plusieurs pays, comme l’Allemagne, l’Italie et même la France, ont estimé que le texte n’était pas acceptable en l’état, notamment pour les PME. Certains ont menacé de s’abstenir lors du vote. La majorité qualifiée n’aurait alors pas été atteinte.
Sous la pression, la présidence Belge (présidence tournante) du Conseil de l’UE a allégé sa copie. Il lui aura fallu trois nouvelles ébauches pour qu’enfin, le 15 mars 2024, le texte soit approuvé.
Un net recul sur le devoir de vigilance
Finalement, ce sont les entreprises de plus de 1 000 salariés ayant un chiffre d’affaires de 450 M€ et plus qui sont concernées par le devoir de vigilance. Ce ne sont donc plus qu’environ 5300 entreprises qui sont ciblées par la directive.
Est exclue de celle-ci, la notion d’entreprises opérant dans les secteurs à haut risque pour les droits humains et l’environnement.
Le secteur financier est exonéré du devoir de vigilance pour ce qui relève de ses activités en aval (prêts et assurances consentis).
Malgré des dispositions atténuées, la directive européenne reste plus ambitieuse que la loi française.
Mais il subsiste encore une (dernière ?) étape avant l’adoption définitive de la directive : le vote du parlement européen. Les eurodéputés vont-ils accepter le recul par rapport au projet initial ? En raison des prochaines élections européennes, le vote devra avoir lieu avant la fin de la session plénière d’avril 2024.
Après l’adoption de la directive européenne, la France aura deux ans pour adapter sa loi sur le devoir de vigilance.
Martine Porez – Journaliste
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