Secteur de la santé : la polyexposition aux risques multiplie le risque d’accident par 4
Une étude épidémiologique réalisée à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) révèle que la co-exposition aux facteurs de risque physiques et psychosociaux multiplie par 4 le risque d’accident au travail dans le secteur de la santé et de l’aide à la personne.
Dans la majorité des activités, les travailleurs sont confrontés à une polyexposition professionnelle, c’est-à-dire à des “expositions simultanées ou séquentielles à des risques chimiques, biologiques, physiques mais également organisationnels et psychosociaux”, selon l’INRS.
Polyexposition dans le secteur de la santé et de l’aide à la personne
Afin de mieux comprendre les conséquences des co-expositions à des facteurs de risques psychosociaux et physiques, une étude épidémiologique a été menée à l’INRS. Elle s’intéresse aux facteurs prédictifs de la survenue d’accidents du travail chez les salariés du secteur de la santé et de l’aide à la personne, à partir de l’exploitation des données de sinistralité de l’Assurance maladie – Risques professionnels et de l’enquête « Conditions de travail » réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail entre 2013 à 2016 .
La polyexposition multiplie par 4 le risque d’accident
L’étude montre qu’une forte exposition simultanée à des contraintes psychosociales (intensité du travail, charge émotionnelle, manque d’autonomie…) et physiques (port de charges lourdes, postures contraignantes…) multiplie par 4 le risque d’accident du travail chez les salariés du secteur de la santé et de l’aide à la personne.
Facteurs organisationnels associés aux taux d’accidents du travail les plus élevés :
- des horaires contraints, irréguliers et imprévisibles;
- une mauvaise conciliation vie professionnelle/personnelle;
- des mesures de prévention insuffisantes.
Fonctions les plus touchées par des accidents du travail :
- aide-soignant;
- agent des services hospitaliers.
“Effet cocktail” de la polyexposition
« Il n’y a pas d’un côté les risques psychosociaux et de l’autre les risques physiques mais bien un effet cocktail d’expositions professionnelles qui entrainent davantage d’accidents du travail. L’approche globale de prévention des risques professionnels reste donc à privilégier pour trouver les solutions de prévention adaptées, notamment en repensant l’organisation du travail », explique Régis Colin, épidémiologiste à l’INRS et l’un des auteurs de la thèse «Effets de la co-exposition aux facteurs de risques psychosociaux et physiques dans la survenue d’accidents du travail».
Il présentera d’ailleurs ces travaux lors du colloque INRS « Organisation du travail et risques psychosociaux : les apports de la recherche » le 27 juin 2023 à la Maison de la RATP.
Effet de la polyexposition sur la soutenabilité du travail
Une analyse de la Dares sur les facteurs qui influencent la capacité des salariés à faire le même travail jusqu’à la retraite, publiée le 9 mars 2023, confirme les effets cumulatifs négatifs de la polyexposition aux risques.
D’après l’étude, les risques physiques jouent un rôle important dans le sentiment d’insoutenabilité du travail puisque 46 % des salariés qui y sont fortement exposés ont ce sentiment, contre 27 % de ceux faiblement exposés. Idem pour les contraintes psychosociales qui entraînent une incapacité des salariés à tenir dans leur travail qui s’élève à 58 % pour les salariés les plus fortement exposés.
En cas de polyexposition à ces facteurs de risques, les effets sur la soutenabilité du travail sont cumulatifs. Ainsi, les salariés très fortement exposés à la fois à des risques physiques et à des risques psychosociaux sont 61 % à déclarer ne pas être capables de tenir jusqu’à la retraite.
Risques physiques et exigences émotionnelles fortes
Dans le secteur de la santé et de l’aide à la personne, 47% des aides-soignants et 55% des infirmiers et sages-femmes estiment qu’ils ne pourront pas rester dans leur travail jusqu’à la retraite, du fait de leurs métiers «caractérisés par des risques physiques plus marqués que la moyenne et des exigences émotionnelles plus fortes du fait d’un travail au contact du public», pointe l’étude.
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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