Le sprinkleur résidentiel s’invite à La Viste
Les tours du « 38 La Viste », bâties dans les années 60 et situées dans les quartiers nord de Marseille, se sont équipées en 2023 d’un système d’extinction automatique à eau. Intégrée à un programme global d’amélioration de la sécurité incendie, l’opération s’est appuyée sur la norme NF EN 16925 pour réhabiliter 375 logements sociaux.

Situé dans le 15e arrondissement sur les hauteurs de Marseille, le « 38 La Viste » est un complexe immobilier qui englobe trois tours de 375 logements. Débuté en 1959, le chantier s’est achevé en 1963.
Deux tours présentent 17 niveaux, tandis qu’une troisième, plus haute, affiche 20 niveaux. En 2004, cette dernière a vu ses deux derniers niveaux « neutralisés », pour que le plancher bas du dernier niveau (PBDN) soit inférieur à 50 mètres. Dotée dorénavant de 18 niveaux occupés, elle ne relève plus de la réglementation IGH (immeubles de grande hauteur).
Labellisé « patrimoine du XXe siècle » en 2006, cet ensemble immobilier imaginé par l’architecte Georges Candilis se caractérise par une organisation à trois branches reliées par des circulations linéaires.
L’escalier central, une vulnérabilité en cas d’incendie
Un seul escalier central dessert l’ensemble des niveaux au sein des trois tours. En termes de sécurité incendie, en cas d’évacuation et de circulation verticale, il représente un point faible. Car techniquement, il est très difficile, voire impossible, de l’encloisonner sur toute la hauteur pour l’isoler des autres volumes.
Lors de la dernière réhabilitation de l’ensemble immobilier, en 2015, s’est posée la question de l’amélioration de la sécurité incendie. « Même s’il ne s’agit pas d’une obligation, nous avons toujours fait en sorte de prendre en compte la circulaire du 13 décembre 1982 pour améliorer la sécurité des personnes dans nos programmes de réhabilitation », commente Djilali Derouiche, directeur de la maîtrise d’ouvrage au sein d’Erilia, le bailleur social assurant la gestion des tours de La Viste.
L’escalier supplémentaire, une voie abandonnée
Une première solution avait été avancée à l’époque : créer un escalier supplémentaire. Solution finalement abandonnée pour deux raisons principales : « d’une part, il y avait des logements dont la porte principale restait à plus de 20 mètres de l’issue de secours constituée par ce nouvel escalier, explique Djilali Derouiche. En cas de propagation, notamment des fumées, cette distance à traverser nous semblait trop importante. Ensuite, nous assistons à un vieillissement de la population. C’est bien de pouvoir disposer de plusieurs issues de secours. Mais lorsque vous avez un occupant vulnérable à évacuer, comme une personne âgée alitée, ce qui fonctionne sur le papier peut beaucoup moins bien marcher dans la réalité ».
Une catastrophe emblématique a infléchi la réflexion : l’incendie de la tour Grenfell le 14 juin 2017 à Londres.
Grenfell comme déclencheur
Entretemps, une catastrophe emblématique a infléchi la réflexion : l’incendie de la tour Grenfell le 14 juin 2017 à Londres. 72 personnes, dont 18 enfants, sont mortes dans cet immeuble de logements sociaux de 24 étages doté d’un seul escalier central.
« À la suite de ce drame, les autorités britanniques ont demandé à ce que les nouveaux bâtiments de plus de 11 mètres de haut soient équipés de sprinkleur, commente Djilali Derouiche. En même temps, la norme sur le sprinkleur résidentiel, qui en était à un stade expérimental à l’époque en France, a retenu notre attention. Nous avons sollicité des experts, notamment de CNPP, sur le sujet. L’idée était de combattre le risque incendie à la source. L’objectif était d’éviter qu’un incendie se développe et se propage au sein des tours, plutôt que d’envisager l’évacuation en cas d’incendie généralisé ».
Une amélioration globale de la sécurité incendie
En même temps que le projet se tourne vers le sprinkleur résidentiel et la nouvelle norme NF EN 16925 publiée en 2019, d’autres volets de la sécurité incendie sont abordés. « Nous en avons profité pour faire une amélioration complète en installant de la détection dans les circulations et un désenfumage mécanique dans les parties communes, indique Djilali Derouiche. Des portes palières coupe-feu ont été installées pour les logements, asservies à la détection lorsqu’elles desservent les escaliers ».
Côté sprinkleur, un local technique, situé au rez-de-chaussée des tours, abrite une réserve d’eau de 15 m³ et deux groupes motopompes électriques, qui desservent chacun deux tranches d’étages dans chaque tour via des colonnes montantes. Le volume de la réserve d’eau a été dimensionné pour que le système puissent alimenter jusqu’à quatre têtes ouvertes en simultané durant une demi-heure.
« Garder le système opérationnel, à niveau tout le temps, c’est la question centrale. »
Djilali Derouiche, directeur de la maîtrise d’ouvrage au sein du bailleur social.
La maintenance du système
« Garder le système opérationnel, à niveau tout le temps, c’est la question centrale », affirme Djilali Derouiche. En cas d’incendie et de déclenchement d’une tête, une alarme retentit au rez-de-chaussée des tours, couplée à un service de télésurveillance. Un contrat de maintenance, comprenant un suivi périodique et une astreinte d’intervention en cas de souci technique, a été passé avec un prestataire.
« Il y a des essais hebdomadaires avec des tests de fonctionnalité des systèmes, précise Jean-Paul Humbert, directeur commercial chez CLF Satrem, l’entreprise installatrice du réseau sprinkleur. Il en est ainsi pour les essais de source d’eau, le démarrage des pompes et les tests des alarmes. Les alarmes de chaque niveau sont vérifiées tous les mois. La norme prévoit également une inspection annuelle dans chaque appartement ».

Le local technique, protégé contre les actes de malveillance, abrite deux groupes motopompes électriques, deux postes de contrôle et une réserve d’eau de 15 m³. © Erilia.
L’implication des résidents
L’un des enjeux de l’opération a été d’emporter l’adhésion des occupants. Pas tant sur le projet en lui-même, puisque tous ont bien compris l’intérêt d’améliorer leur sécurité. Mais plutôt sur le plan du déroulement des travaux et de la vie au long cours dans des appartements équipés de sprinkleur.
Un soin particulier a été donné à l’aspect esthétique, avec par exemple un encoffrement des réseaux en partie haute des pièces. « Nous nous sommes orientés vers une technologie de sertissage, décrit Rémi Borgne, directeur technique chez CLF Satrem, ce qui garantissait un montage assez rapide. L’idée était de préparer le matériel en amont, avant d’intervenir la journée dans un appartement ». Des campagnes d’information, assorties de consignes, ont aussi été menées. Il est ainsi formellement déconseillé de percer les coffrages ou de recouvrir les têtes de sprinkleur.
Aucun élément vital pour le fonctionnement de l’extinction automatique n’a été placé dans les parties communes, tout est dissimulé dans des gaines techniques non directement accessibles.
Le risque malveillance pris en compte
Les quartiers nord de Marseille étant réputés sensibles, une attention particulière a été portée aux actes de malveillance. Aucun élément vital pour le fonctionnement de l’extinction automatique n’a été placé dans les parties communes, tout est dissimulé dans des gaines techniques non directement accessibles. Le local technique bénéficie d’une porte blindée, d’une alarme anti-intrusion et de vidéosurveillance.
Dans les appartements, les têtes de sprinkleur sont dissimulées par un opercule et calibrées pour se déclencher à 68 °C. © Erilia.

Sous l’œil des marins-pompiers
Les marins-pompiers de Marseille ont aussi été associés à la réhabilitation, depuis le projet d’escalier supplémentaire, jusqu’au sprinkleur résidentiel. Une solution qu’ils découvraient dans ce contexte. « Outre la conception et le dimensionnement, les marins-pompiers de Marseille ont insisté sur un point : la maintenance, note Djilali Derouiche. Il fallait leur donner la garantie que le système resterait fonctionnel dans le temps. Nous leur avons fait visiter les tours une fois les travaux effectués, pour qu’ils prennent connaissance des installations et puissent intervenir de la façon la plus appropriée en cas de départ de feu ». Afin de pouvoir pallier une éventuelle panne d’alimentation en eau de la réserve du local technique, les marins-pompiers ont ainsi demandé l’installation d’une prise spéciale pour pouvoir y brancher leurs tuyaux.
Article extrait du n° 610 de Face au Risque : « Photovoltaïque et risque incendie » (novembre-décembre 2025).

Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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