Désenfumage : le GIF alerte sur la non-conformité de certains ouvrants en façade

7 octobre 20257 min

Le Groupement des fabricants installateurs de matériels résistant au feu et d’évacuation des fumées (GIF) rappelle, dans une fiche co-signée par l’Afnor, les exigences réglementaires relatives aux dispositifs d’évacuation naturelle de fumées et de chaleur (DENFC) montés en façade. Éclairage avec Aurore Brzezinski, présidente du GIF.

Aurore Brzezinski, présidente du GIF

Vous avez publié en mars 2025 une fiche et un guide juridique sur les obligations réglementaires liées aux ouvrants de désenfumage naturel en façade. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Aurore Brzezinski. Depuis 2003, les ouvrants de désenfumage doivent être marqués CE conformément à la norme NF EN 12101-2. Cette certification s’applique à un ensemble indissociable : châssis, remplissage, motorisation. Ce système complet est soumis à des essais en laboratoire et doit faire l’objet d’un marquage CE ainsi que d’une déclaration de performances (DoP), émise par une entité juridique unique.

Or, nous constatons une dérive préoccupante : des composants, comme des boîtiers à chaîne ou des kits de mécanismes complets, sont achetés séparément, puis installés sur des fenêtres standards. Bien que ces éléments soient parfois présentés comme conformes à la norme NF EN 12101-2, ils ne garantissent nullement la conformité de l’ensemble du châssis. Certains les utilisent en croyant, à tort, répondre aux exigences CE ainsi qu’aux normes NF S61-937-1 et NF S61-937-7.

Schéma d'un ouvrant en façade © GIF

Schéma d’un ouvrant en façade © GIF.

Mais ce n’est pas le cas ?

A. B. En effet. Le fait de monter ces équipements sur une fenêtre ne prouve pas la conformité de l’ensemble du dispositif. Un châssis marqué CE a été soumis à des essais en laboratoire agréé, permettant de valider sa résistance au feu, son délai de réponse, sa capacité d’ouverture sous charge de vent, sa fiabilité (au moins 300 cycles, voire 11 000 pour les châssis bi-fonction) et bien entendu son efficacité à extraire les fumées. Aucun de ces critères n’est vérifié ou justifié lorsque des éléments sont assemblés sur une simple fenêtre.

Ces équipements peuvent toutefois être utilisés dans un contexte bien défini, notamment pour la maintenance : un installateur peut remplacer un composant à l’identique lors de la rénovation d’un châssis. En revanche, lorsqu’il s’agit de remplacer une fenêtre complète, notamment après plusieurs décennies d’usage, il est impératif d’installer un produit intégralement certifié CE, et doté soit d’un marquage NF, soit d’un procès-verbal d’aptitude à l’emploi conforme aux normes NF S61-937-1 et NF S61-937-7, délivré par un organisme agréé.

« Un châssis marqué CE a été soumis à des essais en laboratoire agréé, permettant de valider sa résistance au feu, son délai de réponse, sa capacité d’ouverture sous charge de vent, sa fiabilité et son efficacité à extraire les fumées. »

Aurore Brzezinski, présidente du GIF.

Aurore Brzezinski, présidente du GIF

Comment ces pratiques sont-elles possibles alors que le marquage CE des ouvrants de désenfumage est obligatoire ?

A. B. Deux situations principales se présentent. La première concerne des ouvrants dits « faits maison », testés ponctuellement lors d’une visite de fin de chantier. Ces produits sont parfois présentés au maître d’ouvrage ou au bureau de contrôle à l’aide de documents affichant le logo CE et des références aux normes NF S61-937-1 et NF S61-937-7. Or, ces documents ne constituent ni un certificat CE, ni un marquage NF. Il s’agit souvent de simples fiches techniques ou d’auto-déclarations sans valeur réglementaire. Pour être valablement certifié CE, un produit doit avoir été évalué par un organisme tiers indépendant. La question de la fiabilité dans le temps de ces solutions artisanales demeure donc entière.

La seconde situation résulte d’un usage abusif du cas particulier prévu par la norme NF S61-937-6 relative aux dispositifs actionnés de sécurité (DAS) composés. Celle-ci autorise, à titre exceptionnel, l’assemblage des composants sur site ou en atelier, lorsque des produits complets ne sont pas disponibles sur le marché. Dans ce cas, un laboratoire agréé évalue le dispositif à partir d’un dossier technique incluant les équivalences d’essais du fabricant. Malheureusement, cette procédure est aujourd’hui détournée pour valider des assemblages alors que des châssis conformes sont pourtant disponibles dans le commerce. Ces produits n’auraient jamais dû être validés à l’issue d’une visite sur site.

Ces pratiques sont-elles fréquentes ?

A. B. La fréquence est devenue alarmante, avec plus d’une centaine de chantiers concernés chaque année. Cette tendance a conduit le GIF à intervenir publiquement. Nous observons notamment que des établissements recevant du public (ERP) à haut risque, comme des hôpitaux ou des Ehpad, sont équipés de dispositifs non conformes. Or, la compatibilité avec le système de sécurité incendie (SSI), exigée dans ces établissements, impose le respect des normes NF S61-937-1 et NF S61-937-7.

Si autrefois l’usage du rapport de visite sur site restait marginal, limité à quelques cas isolés, il tend aujourd’hui à se généraliser, parfois pour une ou deux fenêtres dans des établissements tels que des écoles, des centres commerciaux ou des gymnases. L’argument économique est souvent avancé : en optant pour une solution « maison », les coûts sont divisés par deux, au détriment de la sécurité incendie.

Aurore Brzezinski, présidente du GIF

« En cas d’incident, la responsabilité peut être engagée à tous les niveaux : maîtrise d’œuvre, fabricants, installateurs, maîtres d’ouvrage. Il ne s’agit pas uniquement de risques financiers, mais aussi de conséquences pénales. »

Aurore Brzezinski, présidente du GIF.

Qu’est-ce qui pourrait mettre fin à, ou au moins ralentir, ces pratiques ?

A. B. Tous les acteurs ont un rôle à jouer. Les menuisiers-façadiers doivent intégrer que les pratiques tolérées avant 2003 ne sont plus admissibles aujourd’hui. Les bureaux de contrôle doivent systématiquement exiger des certificats CE et NF, ou des procès-verbaux d’aptitude à l’emploi, et non se contenter de simples fiches techniques. Les laboratoires chargés des visites sur site doivent exercer leur devoir de conseil et refuser de valider des cas hors champ d’application. De leur côté, les fabricants doivent cesser de commercialiser séparément des composants en laissant croire, parfois de manière ambiguë, à leur validité réglementaire. Enfin, l’Afnor doit renforcer sa vigilance sur la conformité des produits mis sur le marché.

Quels messages souhaitez-vous faire passer ?

A. B. La fiche CE/NF sur les ouvrants de façade et le guide juridique disponibles en accès libre sur notre site visent à informer et responsabiliser l’ensemble des intervenants d’un chantier. En cas d’incident, la responsabilité peut être engagée à tous les niveaux : maîtrise d’œuvre, fabricants, installateurs, maîtres d’ouvrage. Il ne s’agit pas uniquement de risques financiers, mais aussi de conséquences pénales. Ce n’est pas une problématique isolée, limitée à un menuisier mal informé ou négligent : c’est un enjeu collectif. La sécurité incendie ne doit jamais être prise à la légère.

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Article extrait du n° 609 de Face au Risque : « La santé mentale au travail » (septembre-octobre 2025).

Gaëlle Carcaly – Journaliste

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