Santé mentale chez Suez : une approche globale
Acteur majeur de l’environnement, Suez a lancé une réflexion sur la santé mentale en initiant une nouvelle politique de prévention au niveau international. Le plan d’action vise, dans un premier temps, à enclencher une dynamique autour des risques psychosociaux.
Suez emploie 40 000 personnes dans 40 pays. Ses activités principales concernent la gestion de l’eau et des déchets, avec des missions transverses de construction et d’innovation. Sur le plan de la sécurité, la multinationale doit composer avec une diversité de cultures.
La santé mentale, un angle mort ?
Aborder la question de la santé mentale en entreprise, c’est souvent affronter un tabou : « en France, on n’est pas si à l’aise avec cette question. Il y a comme une forme de honte, constate Soizic Machado-Verheye, directrice HSE et risques industriels du groupe Suez. Au Royaume-Uni ou en Australie, les sujets de santé mentale sont plus facilement évoqués ». Méconnaissance, stigmatisation, peur du jugement : autant de freins qui compliquent l’accompagnement des salariés en situation de mal-être au travail et entravent la mise en place d’actions de prévention efficaces. « Plus on libèrera la parole, plus les problématiques vont remonter. Nos collègues anglais et australiens ont beaucoup d’avance par rapport au reste de l’Europe », indique-t-elle.
Risques majeurs versus bien-être des salariés
La santé mentale peut aussi être le parent pauvre de la prévention. « Dans certaines de nos unités, on me disait que les risques majeurs constituaient la priorité, poursuit Soizic Machado-Verheye. Tout en admettant que le taux de fréquence des accidents n’était pas complètement représentatif des actions de prévention, car il y avait aussi un sujet « social » à la clé. Mais dans l’accidentologie, je considère qu’on ne peut pas complètement séparer l’accident physique des aspects de santé mentale. Travailler en sécurité, c’est aussi penser à comment les gens se sentent au travail. Il faut aussi tenir compte de la porosité entre le personnel et le professionnel, rien n’est complétement étanche dans l’entreprise ». La relation au travail de chaque individu est complexe : équilibre entre organisation du travail et vie privée, introduction de nouvelles technologies, tensions sur l’emploi, inégalités sociales, sont autant de domaines qui peuvent impacter la qualité de vie au travail.
Une approche globale
Chez Suez, le management des hommes et de la sécurité est réuni sous une même casquette : « le vice-président exécutif et DRH du Groupe est en même temps directeur santé – sécurité, décrit Soizic Machado-Verheye. Je lui reporte sur tous les sujets santé – sécurité, et l’une de mes missions consiste à coordonner les actions de prévention des RPS avec mes collègues des RH ». Tous les ans, Suez organise plusieurs semaines dédiées à la prévention sur diverses thématiques. C’est à l’occasion de la préparation de la semaine de la santé mentale de septembre 2025 que Soizic Machado-Verheye a pris conscience de la plasticité du concept : « lorsque j’ai posé la notion de santé mentale au moyen de la définition de l’OMS, je me suis aperçue qu’elle ne faisait pas totalement consensus. La définition dépendait de la culture de chacun ».
Présent dans une quarantaine de pays et intégrant une grande diversité de métiers, Suez a développé une approche de la santé mentale intégrant au maximum les parties prenantes au sein du groupe. © SUEZ/ A. Benzamia/Benzprod.
Une méthode, un plan d’actions
Pragmatique, la directrice HSE décide de ne pas se focaliser sur une définition unique de la santé mentale, en se concentrant plutôt sur une méthode et un plan d’actions visant à prévenir les risques psychosociaux (RPS) : « La santé mentale est plus large que les RPS, mais pour le moment nous associons les deux, explique-t-elle. Jusqu’à présent, les sujets de RPS étaient traités de façon différente au sein du groupe, avec des résultats assez différents. Après avoir fait quelques études de benchmarking auprès de mes homologues d’autres entreprises, j’ai conclu qu’il ne fallait pas faire de l’évaluation des RPS une usine à gaz, mais qu’il fallait concentrer notre énergie sur le plan d’actions. Nous nous sommes ainsi basés sur le rapport Gollac et ses six piliers ».
L’importance du collectif…
La mise en place de cette méthode chez Suez est aussi le fruit d’un accord plus large sur la santé et la sécurité au travail au niveau européen. Au sein de cet accord, l’engagement a été pris que l’évaluation des RPS serait prise en compte dans le DUERP (ou son équivalent dans les autres pays). « Ce n’est pas d’une ambition folle, relativise Soizic Machado-Verheye, car ce que l’on a écrit ne fait que reprendre la réglementation. Mais l’idée était que cela guide notre action et nous incite à nous améliorer ».
En parallèle, la semaine santé Suez de septembre 2025 portera sur le thème « se demander si ça va, c’est déjà prendre soin de soi ». La philosophie est que les salariés puissent écouter un collègue qui n’irait pas bien, et l’orienter si nécessaire vers les bonnes ressources. « On veut que cela s’intègre à la vigilance partagée. On ne compte pas uniquement sur le manager pour prendre soin de son équipe. L’un des objectifs de cette semaine va être de communiquer sur tout ce qui existe au sein du groupe : une application « bien-être », une hotline téléphonique avec possibilité de consulter un psychologue en ligne, que ce soit pour des problèmes professionnels ou personnels. Via notre mutuelle, nous avons aussi une offre à disposition de toute la famille », décrit la directrice HSE et risques industriels.
… et du management
L’accent est aussi mis sur le management : « Avoir un management adapté en face de ces problématiques de RPS, c’est important, ajoute Soizic Machado-Verheye. Les managers ont un rôle à jouer dans la prévention. Ils ne doivent pas devenir des psychologues, mais il faut qu’ils soient sensibilisés et à l’écoute ». Souvent en première ligne, le management et les RH sont tout autant exposés aux RPS que leurs collègues. Dans la branche « Eau France » de Suez, des actions spécifiques ont été menées en leur direction. Tout d’abord, une enquête a été menée auprès des managers de proximité, où leur vécu au travail a été abordé. « On pourra déployer toutes les politiques et toutes les campagnes que l’on veut… si l’on ne les a pas à bord, ça ne fonctionnera jamais », explique notre interlocutrice.
Une expérimentation a aussi été mise en place au niveau du comité de direction, à l’aide d’une application dédiée aux RPS. « Nous pouvons tous ressentir une certaine forme de pression, d’accélération. Il faut passer le message qu’il n’y a pas de surhomme, pas de surfemme », analyse notre interlocutrice.
La montée des violences externes
À côté d’un volet consacré aux violences domestiques, l’accord européen cité plus haut vise les agressions externes. Un certain nombre des métiers exercés par Suez comportent un contact avec le public. Un facteur de risque clairement identifié par le groupe, avec des situations d’agressions commises par des tiers dans le cadre du travail qui remontent de plus en plus. « C’est une vraie problématique qui est sous la responsabilité de notre direction sûreté, affirme Soizic Machado-Verheye. Nous faisons des points de coordination réguliers pour faire l’état des lieux et suivre les actions, qui sont en même temps challengées par les syndicats ».
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