Incendie batteries lithium : Highway France Logistics dénonce un stockage illicite de Bolloré Logistics

20 juin 20258 min

Highway France Logistics 8 a répondu, en treize pages, au récent rapport du BEA-RI qui faisait suite à l’incendie du 16 janvier 2023 à Grand-Couronne (Seine-Maritime). Un entrepôt occupé par le groupe Bolloré, où étaient entreposées des batteries lithium, avait été ravagé par les flammes.

Le plan d'intervention : quand l'établir ?

Ce que comprend la réponse de Highway France Logistics 8 au rapport du BEA-RI :

  • il s’agit d’un document comportant treize pages ;
  • l’entreprise dénonce un stockage illicite de matières dangereuses du groupe Bolloré ;
  • Highway France Logistics 8 émet des doutes sur la fiabilité des tests menés par l’Ineris pour le BEA-RI ;
  • l’entreprise réclame un changement du droit des ICPE.

Ce que reproche Highway France Logistics au groupe Bolloré

Dans sa réponse à l’enquête du Bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels (BEA-RI), l’entreprise Highway France Locistics 8 – propriétaire des entrepôts qui ont brûlés le 16 janvier 2023 à Grand-Couronne (Seine-Maritime) – a fait la lumière sur les manquements du groupe Bolloré, locataire des lieux au moment de l’incendie à travers sa filiale Blue Solutions.

Comme le rappelle le rapport du BEA-RI publié en avril 2025, 892 tonnes de batteries lithium-métal-polymère (LMP) appartenant à Bolloré Logistics – autre filiale du groupe Bolloré – étaient alors stockées dans cet entrepôt. Selon Highway France Logistics 8, ce stockage de matières dangereuses était illégal.

“À la suite de l’incendie de Grand-Couronne, il a été mis en évidence que des entreprises du groupe Bolloré avaient mis en place une filière de stockage potentiellement illicite de déchets dangereux au sein de l’entrepôt de Grand-Couronne” explique dans un premier temps Highway France Logistics 8.

L’entreprise précise par la suite que : “à Grand-Couronne, le conditionnement des modules livrés pour stockage donnait l’apparence de marchandises conformes aux exigences de l’arrêté ICPE 1510. En réalité, Blue Solutions ne faisait pas stocker des batteries et modules sains et neufs, mais des batteries et modules usagés et défectueux – dont le stockage n’était pas autorisé par l’arrêté ICPE – et qui avaient même été qualifiés de déchets par la préfecture du Finistère en charge du site d’Ergué-Gabéric”.

Les pistes de Highway France Logistics 8 sur la provenance des batteries défectueuses du groupe Bolloré

Ce rapport de treize pages fait la lumière sur la potentielle provenance des batteries défectueuses, qui étaient stockées dans l’entrepôt de Grand-Couronne jusqu’à l’incendie du 16 janvier 2023 :

  • “par l’intermédiaire de la filiale d’alors, Bolloré Logistics, des batteries IT2 et des modules IT3 du concepteur et du fabriquant de batteries LMP (Lithium-métal-polymère) Blue Solutions (autre filiale du groupe Bolloré) étaient stockés au côté de pièces détachées du concepteur et fabricant de voitures BlueCar (autre filiale du groupe Bolloré) ;
  • les batteries IT2 stockées à Grand-Couronne étaient usagées et provenaient essentiellement des BlueCar destinées en majeure partie aux Autolib qui ont disparu de la circulation depuis longtemps.

La plupart des batteries IT2 dataient d’avant 2015 et avaient fait l’objet de signalements techniques internes ;

Ces incidents ont montré que les modules IT3, notamment ceux fabriqués dans l’usine canadienne de Blue Solutions située à Boucherville, présentaient un risque de court-circuit avéré en raison du mauvais positionnement de la feuille d’isolant Mylar”.

Sur cette partie du rapport, Highway France Logistics 8 rappelle que “les modules IT3 défectueux triés et envoyés pour stockage à Grand-Couronne ont tous brûlé dans l’incendie comme en atteste la comptabilité de Blue Solutions”.

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Ce que reproche Highway France Logistics 8 au BEA-RI et à l’Ineris

Dans la suite de sa réponse au BEA-RI, Highway France Logistics 8 met en avant des possibles failles sur les tests menés par l’Ineris à la demande du BEA-RI. Les conclusions de l’Ineris et du BEA-RI pourraient ainsi être faussées.

Selon l’entreprise, Blue Solutions a manifestement fourni au BEA-RI, pour effectuer ses tests, des modules sains qui ne présentaient pas de caractère usagés ou défectueux”.

Concernant ces essais, Highway France Logistics 8 suggère que :

  • “les tests de l’Ineris n’ont ainsi probablement pas été réalisés sur des modules identiques à ceux stockés à Grand-Couronne ;
  • le test du clou n’est pas représentatif, puisqu’un seul et unique clou a été planté sur un module LMP sain, ne présentant pas le défaut relatif à l’isolant Mylar, ce qui réduit la pertinence des conclusions du test ;
  • les tests d’incendie de modules ont été réalisés sur une quantité trop faible de modules au regard des 18 800 modules entreposés à Grand-Couronne, négligeant ainsi les conséquences de l’effet de masse sur la cinétique de l’incendie tel qu’il s’est déroulé le 16 janvier 2023″.

Concernant le Bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels, le propriétaire de l’entrepôt ravagé par le feu de batteries lithium du 16 janvier 2023 dévoile un avis laissant penser que le BEA-RI n’aurait “pas spécialement tenu compte des conclusions du BEA-TT sur les causes des incendies de bus et sur l’identification de ce défaut d’isolation des modules de Blue Solutions (…) et n’a pas mis en perspective l’incendie de Grand-Couronne avec les autres incendies survenus au Canada, en Allemagne et en France, tant en usine que sur les bus en exploitation, afin d’enrichir les conclusions de son présent rapport d’enquête”.

Des doutes sur les batteries ayant servi aux tests

Highway France Logistics 8 émet par la suite des doutes quant aux batteries fournies par Blue Solutions pour les test de l’Ineris.

“Aucune information sur les modules confiés par Blue Solutions au BEA-RI pour faire ces tests n’ayant été communiquée, il est tout à fait légitime de penser que Blue Solutions a nécessairement fait une sélection de modules en évitant soigneusement ceux usagés ou affectés de défauts et non conformités détaille en ce sens l’entreprise dans sa réponse de treize pages.

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Pour appuyer son argument, elle rappelle que la liste et les informations de traçabilité relatives aux batteries fournies par Blue Solutions au BEA-RI afin de réaliser les différents tests est toujours inconnue des différents protagonistes de l’affaire (…). Il apparaît très probable que l’Ineris n’a pu tester que des modules sains, minutieusement choisis par Blue Solutions, alors même que les batteries et modules stockés à Grand-Couronne étaient usagés et/ou défectueux”.

En conclusion, “ne connaissant ni leur usine de production et ni leur date exacte de fabrication, il est donc permis de penser que les batteries confiées par Blue Solutions pour être testées par le BEA-RI n’étaient pas d’une génération identique à celles impliquées dans l’incendie de Grand-Couronne”.

Ce que dénonce Highway France Logistics 8 sur le droit des ICPE

Outre les charges sur le groupe Bolloré, qui ont potentiellement apporté quelques failles sur les tests menés par l’Ineris pour le BEA-RI, Highway France Logistics 8 dresse un constat sur le droit des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Selon l’entreprise, “un propriétaire non-occupant ne doit pas assumer en lieu et place de ses locataires défaillants les conséquences de mauvaises conditions de stockage et/ou dissimulations réalisées à son insu, au seul motif qu’il est titulaire d’un arrêté d’exploitation ICPE”.

Elle met ainsi en avant la crainte que “le droit des ICPE déresponsabilise les locataires d’entrepôts multilocataires, puisqu’en cas d’accidents/incendie, l’administration s’adresse en premier lieu au titulaire de l’arrêté d’exploitation, même totalement étranger à l’incendie/accident”.

Constatant que “certains industriels connaissent les imperfections de la réglementation ICPE et en profitent”, le propriétaire des entrepôts de Grand-Couronne concernés par l’incendie du 16 janvier 2023 appelle ainsi à revoir la réglementation à ce sujet au motif que le statut d’exploitant d’ICPE pour un propriétaire non-occupant d’un entrepôt multilocataires n’est plus pertinent.

Notons en conclusion que, contrairement à Highway France Logistics 8, Blue Solutions n’a pour l’heure apporté aucune réponse aux recommandations dressées dans le rapport du BEA-RI.

En savoir plus

Retrouvez le rapport complet en 13 pages de Highway France Logistics 8 en réponse au rapport du BEA-RI sur l’incendie Bolloré Logistics.

Le rapport complet de 262 pages du BEA-RI sur l’incendie Bolloré Logistics (qui inclus les tests de l’Ineris) est également disponible.

L’ensemble des rapports et des enquêtes du BEA-RI sont disponibles dans notre rubrique “Rapports”.

Enfin, notre dossier “Batteries au lithium : l’emballement thermique” (daté de mars 2025) est disponible dans notre rubrique “Grands Dossiers”.

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Eitel Mabouong – Journaliste

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