Sanction contre Protectim : la problématique de la sous-traitance dans la sécurité privée

14 mai 20256 min

La sous-traitance dans la sécurité privée est encadrée, en particulier depuis la loi sécurité globale de 2021. La sanction contre Protectim Security Group, mastodonte du secteur frappé d’une interdiction d’exercer pour 18 mois, illustre une problématique importante pour les entreprises de sécurité privée.

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Depuis le 26 mai 2022 et en vertu de la loi sécurité globale de 2021, la sous-traitance des activités de sécurité privée est strictement encadrée. Les activités de surveillance et de gardiennage mentionnées aux 1° et 1° bis de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) ne peuvent plus être intégralement sous-traitées, et la prestation ne peut être confiée qu’à des sous-traitants de rang un ou deux. Cela permet d’éviter la sous-traitance en cascade, parfois utilisée par des entreprises peu scrupuleuses afin de diluer leurs responsabilités.

En plus de ces mesures, la sous-traitance de rang deux pour les activités prévues à l’article L. 611-1 du CSI ne peut se faire qu’à condition que le sous-traitant de rang un justifie de l’absence de savoir-faire, de manque de moyens ou de capacités techniques, ou d’une insuffisance ponctuelle d’effectif. Il doit, en tout état de cause, faire valider cette justification à l’entreprise donneuse d’ordre. Le sous-traitant de rang un doit vérifier que le donneur d’ordre a bien validé le motif du recours à la sous-traitance. Les contrats de sous-traitance doivent contenir le nom de l’entrepreneur principal et de chaque sous-traitant.

Des contrôles pour faire respecter la réglementation

Le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), qui régule les activités du secteur, procède régulièrement à des contrôles afin de s’assurer du respect de ces règles tant par les donneurs d’ordres que par les sous-traitants. En cas de manquements, l’organisme prend des sanctions, pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’exercer.

C’est ce qui est arrivé à la société Protectim. La décision du Cnaps, publiée sur le site internet de l’organisme, est une bonne illustration des problématiques en matière de sous-traitance. Parmi les reproches formulés au groupe, il est notamment mentionné le fait que celui-ci n’a pas récolté les attestations de déclarations sociales de paiement des cotisations et contributions auprès de ses sous-traitants. Ces attestations, délivrées par l’Urssaf et communément appelées “attestations de vigilance”, permettent au donneur d’ordre de s’assurer que ses sous-traitants paient bel et bien leurs cotisations sociales, et ne pratiquent pas le travail dissimulé. En l’espèce, Protectim aurait dû non seulement collecter ces attestations, mais également comparer les montants de masse salariale déclarés par ses sous-traitants avec les sommes facturées pour les prestations réalisées.

D’après le Cnaps, Protectim n’a pas récolté la majorité des attestations de vigilance. L’inspection a permis d’établir que Protectim en avait néanmoins récolté certaines, et que l’écart entre les montants déclarés par les sous-traitants et ceux facturés au donneur d’ordre permettent de caractériser le recours à des pratiques de travail dissimulé. En effet, le Cnaps donne l’exemple d’un sous-traitant qui a, en décembre 2022, déclaré une masse salariale de 25 594 euros, quand, dans le même temps, l’entreprise sous-traitante a facturé 94 620 euros à Protectim. Sur la base de ces éléments, le Cnaps considère que Protectim n’a “conduit aucune diligence pour vérifier de manière efficiente la probité de ses sous-traitants, alors que les éléments mentionnés ci-dessus faisaient apparaître des disparités et irrégularités importantes”.

Un cas loin d’être isolé

La sous-traitance est monnaie courante dans le secteur de la sécurité privée. Selon des données de l’Insee pour l’année 2016, dernière année pour laquelle l’Institut a publié ces statistiques, la sous-traitance représentait 10,4% du chiffre d’affaires du secteur. Ce chiffre s’explique notamment par une pénurie de main-d’œuvre, selon Mickaël Mingeau, expert en droit appliqué à la sécurité privée et fondateur du site 83-629, spécialisé dans ces sujets. “Dans beaucoup de secteurs, on sous-traite car on a besoin de compétences. En sécurité privée, ce n’est pas ça. On sous-traite car on manque de main-d’œuvre. C’est une forme d’intérim entre entreprises de sécurité”. Une sous-traitance qui a parfois pour conséquence de diluer la responsabilité en cas de problème : “Plus il y a de sous-traitants, moins le donneur d’ordre se sent impliqué”, considère-t-il.

Observer les sanctions prises par le Cnaps permet d’une part de se rendre compte que Protectim est loin d’être un cas isolé parmi les entreprises de sécurité privée, et d’autre part que les problématiques afférentes à la sous-traitance sont un motif fréquent de sanctions. Ainsi, sur 62 sanctions prises par le Cnaps à l’issue de commissions de discipline et disponibles sur le site internet de l’organisme, 23 au moins portent de près ou de loin sur des faits liés à la sous-traitance. L’entreprise Sygma Sécurité, par exemple, a été sanctionnée en janvier 2025 d’une interdiction d’exercer pour six mois. Il est notamment ressorti de l’enquête du Cnaps que Sygma Sécurité, entreprise sous-traitante, a facturé plus de 113 000 euros de prestations à ses donneurs d’ordres au cours du mois d’août 2022, tout en déclarant à l’Urssaf une masse salariale de seulement 4 779 euros.

La différence fondamentale entre Protectim et les autres entreprises sanctionnées par le passé, est la taille. Protectim compte en effet plus de 5 000 salariés, un chiffre largement supérieur à Sygma Sécurité qui comptait, en 2022, entre 20 et 49 salariés selon les données disponibles sur le site Pappers, bien que ce chiffre soit potentiellement sous-estimé en raison du recours au travail dissimulé par l’entreprise, selon les éléments communiqués par le Cnaps dans sa sanction.

Dans d’autres cas, les infractions à la législation sur la sous-traitance ne portent pas sur du travail dissimulé. L’entreprise Vigil’act surveillance, par exemple, a écopé d’une interdiction d’exercer pour une durée de trois ans. Parmi les nombreux griefs reprochés à la société, figure notamment l’établissement de contrats de sous-traitance ne faisant pas apparaître le numéro de son autorisation d’exercer, mais aussi des tarifs anormalement bas pratiqués, manifestement incompatibles avec le respect, par l’entreprise, de ses obligations sociales.

S’adapter aux sanctions

Face à ces sanctions, les entreprises visées se retrouvent souvent en situation de faillite. À la suite de son interdiction d’exercer, l’entreprise Vigil’act Surveillance est par exemple en instance de liquidation judiciaire, selon les informations disponibles sur le site Pappers.

De son côté, Protectim Security Group (PSG) a choisi de transférer ses activités vers une autre entreprise du groupe, Protectim Global Security (PGS). Cette manœuvre suffira-t-elle à sauver tous les contrats passés et les emplois ? Selon En toute sécurité, certains clients de Protectim, comme Lafarge, Nike ou encore Primark auraient bien opéré la migration de leur contrat vers PGS, mais d’autres auraient préféré y mettre fin, totalement ou partiellement. Parmi ces entreprises, on compte notamment Amazon, La Poste, Bulgari, Chanel ou UPS. Du côté des syndicats de salariés, la FMPS-i indique à En toute sécurité que les employés de Protectim “n’ont plus d’interlocuteurs et sont dans un brouillard total, ce qui suscite une grande inquiétude“.

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Camille Hostin – Journaliste

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