Formation en sécurité

10 octobre 20248 min

La profession est sur le chemin de la maturité, comme le montre le défi relevé avec succès pour les prestations en amont des Jeux olympiques et paralympiques. Mais il subsiste encore des lacunes, notamment dans la formation en sécurité électronique.

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Examen réussi pour les centres de formation, très sollicités pour recruter un nombre suffisant d’agents de sécurité pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). « Le défi de la formation a été relevé. On n’avait jamais vu une mobilisation aussi importante. Après de nombreuses interrogations, la profession a finalement répondu aux attentes », nous déclare Olivier Driffort, président de l’Ufacs, le syndicat patronal des organismes de formation en sécurité.

Les chiffres lui donnent raison : le nombre d’autorisations d’entrées en formation a presque doublé sur la période janvier à mai 2024 par rapport à l’année précédente, pour atteindre 29 500, alors que le Comité d’organisation des JOP avait estimé ses besoins à 22 000 agents de sécurité. La barre des 6 000 entrées en formation mensuelles a été franchie pour les mois de mars et avril.

Au total, 25 500 formations ont été menées à bien, dépassant l’objectif de 20 000 souhaité par le Cojo.

En outre, entre avril et fin juin 2024, environ 1 500 candidats ont obtenu la certification PSGE (grands événements pour 106 heures de formation) contre un peu plus de 2 000 sur la période d’avril 2023 à mars 2024.

Il faut dire que les pouvoirs publics et France Travail ont été très actifs, n’hésitant pas à financer ces formations, tout en incitant de nouvelles catégories de personnes à se lancer dans ce type de formation : les retraités et les étudiants, qui pouvaient bénéficier de formations gratuites.

Une hausse d’activité inédite

L’appareil de formation « a tourné à plein régime », selon les mots d’Olivier Driffort, de sorte que la profession devrait afficher un bon millésime 2024 : l’activité devrait enregistrer une progression inédite de +6,2 % pour atteindre 465 M€, selon les chiffres d’En Toute Sécurité. Cette hausse intervient après le score déjà très satisfaisant de +5,6 % de l’année précédente, qui était porté par un effet rattrapage après la crise sanitaire (-12,7 % en 2020).

La formation, considérée comme un liant de tous les secteurs d’activité de la profession, est portée par :

  • un turnover accéléré des salariés dans l’ensemble de la filière sécurité;
  • des mutations technologiques rapides;
  • une évolution permanente des métiers.

Ces facteurs impliquent de repenser la façon de travailler et nécessitent donc un recours plus fréquent à des formations, analyse le président de l’Ufacs. Un chiffre résume cette tendance : 80 % des emplois de 2030 n’existent pas déjà aujourd’hui.

Il existe cependant un bémol : ce surcroît d’activité a profité dans sa quasi-totalité aux centres de formation opérant en région parisienne. En revanche, ceux en région n’ont pas bénéficié de cette manne.

« On remarque que les centres de formation en difficulté sont moins nombreux que ces dernières années. Ceux qui ont le mieux réussi sont ceux dont les cursus de formation sont les plus larges, y compris en se diversifiant en dehors des métiers de la sécurité », explique Olivier Driffort. Le nombre de centres dégageant des bénéfices ne cesse de progresser depuis 2020, passant de 63 % l’année du Covid à 64 % en 2021, avec un bon à 77 % en 2022 puis à 80 % en 2023, selon les statistiques d’En Toute Sécurité.

Espace confiné - Alcool de bouche © CNPP Conseil et Formation

Les donneurs d’ordres cherchent des formations spécifiques, voire sur mesure. Ici, une formation en espace confiné dans le secteur des alcools de bouche.
© CNPP Conseil et Formation.

« Les donneurs d’ordres cherchent des cursus de formation contenant une véritable expertise sur des compétences spécifiques et même des prestations sur mesure », souligne Amaury Lequette, directeur pour l’activité Conseil et Formation de CNPP. Comptant plus de 2 600 sessions de formation l’année dernière, cette activité est en croissance d’environ 10 % par an. Dans une optique d’un contenu très ciblé, le spécialiste de la prévention des risques s’est positionné sur le créneau des formations nécessitant un plateau technique important et de gros outils pédagogiques. C’est pourquoi la formation en sécurité incendie représente 60 % du total, ce qui est reconnu comme étant « atypique », bien que le panel de CNPP s’élargisse à de nouveaux cursus comme la cybersécurité récemment.

Évolution du marché de la formation en sécurité

(en millions d’euros)

Pour 2024 : prévision effectuée en juillet 2024.
Source : En Toute Sécurité.

Répartition des cursus de formation en sécurité en 2023

Santé-sécurité au travail

Surveillance humaine

Sécurité incendie

Sécurité électronique

100

%

40 %

32 %

18 %

10 %

Un sursaut après la crise sanitaire

Si la crise sanitaire a eu des effets dévastateurs sur l’activité – les centres de formation étaient fermés pendant plusieurs mois à cause des mesures de confinement -, elle a provoqué une prise de conscience des opérateurs.

« Les lacunes ont été identifiées et la profession est en train de faire sa mutation », déclare le président du syndicat des organismes de formation. La faiblesse la plus évidente était la seule présence physique durant les cours. Grâce à une adaptation de la réglementation, les opérateurs ont modifié le contenu des formations pour l’ajuster à des procédés en distanciel, une pratique correspondant mieux à la demande et permettant davantage de souplesse des enseignements.

« Au début, des centres de formation ont transposé mécaniquement le présentiel en distanciel, mais ce n’était pas la meilleure solution. Aujourd’hui, les parcours sont construits avec des briques pédagogiques adaptées à chacun de ces deux procédés. Le contenu peut donc être davantage étalé dans le temps et plus varié », souligne Amaury Lequette de CNPP, précisant que ce mix est déjà courant pour les formations à destination des managers en sécurité.

« Avec cette nouvelle approche qui peut intégrer des composantes comme l’intelligence artificielle ou la réalité virtuelle, nous pouvons davantage attirer les jeunes », renchérit Olivier Driffort, citant également le « serious game » comme outil pédagogique attrayant.

Il existe encore une lacune importante : les possibilités extrêmement réduites de proposer une formation en alternance. L’apprentissage sur le terrain permet pourtant de fidéliser un collaborateur, mais un consensus n’a pas encore été trouvé entre les diverses parties prenantes.

Une faiblesse récurrente est également perceptible : le financement des formations. Il dépend largement de la sphère publique – qui n’est pas toujours au fait de la demande réelle – et pas assez des entreprises de sécurité ou des services internes de sécurité.

Autre obstacle : le manque de formations en sécurité électronique, alors que ce domaine est en pleine expansion et en pleine mutation technologique. La pénurie de techniciens est en effet criante. Le GPMSE, organisation patronale de ce secteur, a pris le problème à bras-le-corps en créant une filiale dédiée à la formation au début de la décennie. « Nous avons orienté nos formations sur l’aspect opérationnel, pour satisfaire les besoins immédiats et importants de la profession, notamment en opérateurs de télésurveillance et de vidéoprotection », explique Patrick Lanzafame, président de GPMSE. La filiale, qui fait aujourd’hui appel à huit enseignants, a déjà formé 450 personnes, dont 250 ces douze derniers mois.

Aujourd’hui les centres de formation sont structurés et professionnalisés. Ici, une formation de lutte contre l’incendie destinée aux sapeurs-pompiers.
© CNPP Conseil et Formation.

Formation LCF Plateau Sdis 78 © CNPP Conseil et Formation

Une profession en cours de structuration

Le chemin est encore long pour arriver à la maturité, mais une bonne partie a déjà été parcourue. Il est déjà loin le temps où les pouvoirs publics pointaient les centres de formation comme le maillon faible de la profession, dénonçant régulièrement les fraudes durant les examens, des formations sans contenu pertinent et les pratiques frauduleuses de certains dirigeants, surtout des opérateurs travaillant dans la formation pour la surveillance humaine. C’était dans les années 2010.

Un pas décisif a été franchi avec une nouvelle réglementation en 2016 qui a instauré l’intégration de la formation en sécurité dans le périmètre réglementé de la profession. C’est ainsi que les centres de formation et leur dirigeant ont été dans l’obligation d’obtenir un agrément du Cnaps, l’autorité de régulation de la branche. Conséquences : le nombre de centres a considérablement diminué, passant de 800 avant cette réforme à 578 en 2018, à 268 autorisations d’exercer en 2022 et 230 l’année suivante.

Aujourd’hui, l’activité est considérée comme structurée et professionnalisée. « La profession apporte désormais une véritable valeur ajoutée. Elle est assurée d’un bel avenir à condition de continuer à s’adapter aux évolutions de la demande », résume le président de l’Ufacs.

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Patrick Haas

Journaliste et directeur d’En Toute Sécurité

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