Incendie de la tour Grenfell à Londres : des “décennies de défaillances”

10 septembre 20245 min

Le rapport final de l’enquête publique sur l’incendie de la tour Grenfell a été publié le 4 septembre 2024, sept ans après l’incendie dramatique qui a fait 72 morts à Londres. Le rapport pointe les défaillances et responsabilités du gouvernement, du bailleur et des acteurs du secteur de la construction.

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Selon le rapport d’enquête final de 1700 pages, l’incendie de la tour Grenfell à Londres est l’aboutissement de « décennies de défaillances du gouvernement et d’autres organismes occupant des postes à responsabilité dans le secteur de la construction ».

« La simple vérité est que les décès qui se sont produits auraient tous pu être évités, et que ceux qui vivaient dans la tour ont été gravement trahis pendant des années (…) par ceux qui étaient chargés de la sécurité du bâtiment et de ses occupants », a affirmé Sir Martin Moore-Bick, le président du comité d’enquête en présentant les conclusions de l’enquête le 4 septembre 2024.

Le 14 juin 2017, 72 personnes, dont 18 enfants, périssaient dans le pire incendie résidentiel en Grande-Bretagne depuis la Seconde Guerre mondiale. Parti de la cuisine d’un des appartements au 4e étage, il avait mis moins d’une demi-heure à se propager à l’ensemble de l’immeuble de logements sociaux de 24 étages dans l’ouest de Londres. La tour avait été rénovée en 2016 avec des matériaux combustibles en façade, tout en cumulant d’autres graves vulnérabilités.

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Revêtement de façade inflammable

La première phase de l’enquête, publiée en octobre 2019, avait conclu que le revêtement de la façade était la cause principale de la propagation de l’incendie. Les revêtements dits «ACM-PE», des bardages composés de deux couches d’aluminium remplies de polyéthylène, utilisés pour isoler et embellir à peu de frais des immeubles, n’auraient jamais dû être utilisés sur des tours d’habitation de grande hauteur, à cause de leur caractère inflammable.

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Défaillances du gouvernement

Le rapport pointe que le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour identifier et atténuer les risques liés aux matériaux combustibles dans les murs extérieurs des bâtiments de grande hauteur, malgré de nombreux avertissements et incidents antérieurs. Dès le début des années 2000, «des tests sur ces revêtements avaient démontré leur dangerosité, et le ministère des collectivités locales disposait de toutes les informations les concernant», mais il n’en a pas tenu compte, explique le rapport.

Le rapport dénonce la politique de déréglementation menée par les gouvernements successifs, qui a mis les fonctionnaires sous pression pour réduire la bureaucratie, les inquiétudes étant par conséquent «ignorées, retardées ou négligées».

Malhonnêteté des fabricants

Le rapport met également en avant la malhonnêteté systématique des entreprises de matériaux de construction comme Arconic Architectural Products, qui a fourni des bardages pour la tour Grenfell ou Celotex qui a fourni la mousse isolante. «Elles ont adopté des stratégies délibérées (…) pour manipuler le processus de test, déformer les données et tromper le marché sur la sécurité de leurs produits», accuse le rapport.

Le Building Research Establishment (BRE), centre de recherche renommé dans la construction, aurait dû alerter les autorités. Mais le rapport dénonce des pratiques inadéquates et non professionnelles, un manque de rigueur scientifique et même des complicités entre le BRE et les fabricants de revêtements pour assurer que leurs matériaux utilisés passent les tests de sécurité avec succès.

Les pompiers mis en cause

Les pompiers de la London Fire Brigade sont également vivement critiqués pour ne pas avoir tiré les leçons d’un précédent incendie survenu en 2009, qui aurait dû les alerter sur leurs difficultés à lutter contre les incendies dans les immeubles de grande hauteur. Les pompiers de Londres avaient demandé aux locataires de la tour de se calfeutrer dans leur appartement, pensant pouvoir maîtriser le feu. Des consignes qui se sont révélées fatales dans le cas de l’incendie de Grenfell.

Le gérant de la tour Grenfell est également pointé du doigt dans sa gestion de la sécurité incendie, avec des lacunes dans les évaluations des risques et la maintenance des dispositifs de sécurité ou encore des plans d’évacuation périmés et incomplets.

Recommandations

Le rapport émet en conclusion près de 60 recommandations, dont le renforcement des règlementations, la simplification des chaînes de responsabilité dans la construction et la sécurité incendie, et davantage de formations pour certains métiers du bâtiment.

En juillet 2024, 4 630 bâtiments d’une hauteur de 11 mètres ou plus présentaient encore des revêtements dangereux, et les travaux d’assainissement n’avaient pas encore commencé pour la moitié d’entre eux, selon les données du gouvernement britannique.

L’association des victimes, elle, réclame désormais que justice soit rendue. L’enquête judiciaire ne devrait s’achever que l’année prochaine, et il faudra attendre au moins 2026 pour les premières poursuites.

En savoir plus

Lire le rapport final de la Grenfell Tower Inquiry.

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Gaëlle Carcaly – Journaliste

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