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Shunt / by-pass : ne pas passer à côté !

23 février 2024•Barpi•5 min•

Le Barpi a étudié un échantillon de 42 événements issus de la base de données Aria liés à un shunt / by-pass. Dans cette étude, l’absence ou les manquements dans les procédures et consignes de gestion des shunts/by-pass sont mis en évidence.

Le by-pass concerne tout contournement physique d’un dispositif ou d’un équipement (ex : by-pass de l’unité de traitement des fumées ou gaz résiduaires). Le shunt, défini comme une dérivation d’un circuit électrique, porte plus particulièrement sur les systèmes instrumentés de sécurité ou asservissements.

En 2024, le sujet des shunts et by-pass fait l’objet d’une action nationale de l’Inspection des installations classées.

Deux événements impliquant un shunt ou by-pass

Le 31 août 1993 (Aria n° 4687), une explosion d’une essoreuse à coton provoque deux blessés graves et d’importants dégâts matériels. Le 29 juin 2022 (Aria n° 59285), un incendie au sein du système de traitement des fumées d’une usine d’incinération de déchets menace une cuve d’ammoniac située à proximité. À presque 30 ans d’intervalle, l’analyse des causes de ces deux événements met en évidence l’implication d’un shunt, ou by-pass, d’un ou plusieurs équipements. Ces modifications apportées au fonctionnement normal, réalisées par une action humaine, touchent notamment les matériels ayant une fonction de sécurité. Par enchaînement de situations dégradées, les événements peuvent alors entraîner de lourdes conséquences.

L’échantillon de 42 événements

L’échantillon étudié concerne des événements survenus à la suite de la mise en place temporaire d’un shunt/by-pass d’équipements par un opérateur. Ils se déroulent, pour un tiers de l’échantillon étudié, lors de phases transitoires comme les arrêts et redémarrages, ou des interventions ou travaux sur une installation, à l’initiative des opérateurs lors de la gestion d’une situation anormale. Au cours de ces opérations délicates, les shunts / by-pass peuvent être autorisés et la maîtrise du procédé est alors laissée à l’équipe de conduite. Cette équipe peut éventuellement se résumer à un seul opérateur en poste, face à de nombreuses actions à mener et à contrôler. L’industrie chimique est particulièrement concernée (près de la moitié des 42 événements de l’échantillon étudié) étant donné la forte instrumentalisation des process dans ce domaine. L’absence ou des manques dans les procédures et consignes de gestion des shunts / by-pass sont mises en évidence dans l’analyse des causes de la moitié des événements.

Pourquoi parle-t-on de conséquences significatives ?

Sur l’échantillon des 42 événements étudiés, on retrouve :

la catastrophe de Bhopal de 1984 ;
4 accidents majeurs en France au titre de la directive Seveso 3 ;
6 accidents ayant conduit à des morts ;
14 accidents ayant conduit à des blessés.

60 % de ces événements sont classés comme accident et 44 % ont mené à des rejets atmosphériques pouvant atteindre l’extérieur des sites.

Les enseignements

1 – Circonstances justifiant la mise en place d’un shunt/by-pass

définir les conditions du shunt/by-pass (régime transitoire, pression, température, lignage…) et limites (durée maximale, situations et dérives de procédés dans lesquelles le shunt / by-pass doit être retiré) ;
s’assurer que la pose du shunt/by-pass est indispensable et/ou justifier que l’activité doit continuer dans la zone concernée par le shunt/ by-pass.

2 – Conditions de mise en œuvre

ne laisser la possibilité de poser un shunt/ by-pass qu’après avoir :
- réalisé une analyse de risques,
- examiné les conditions et limites du shunt / by-pass si celles-ci n’ont pas été préalablement définies,
- défini les mesures compensatoires de la pose du shunt / by-pass,
- défini les personnes autorisées à poser le shunt /by-pass ;
consigner la raison, la pose et la durée du shunt/ by-pass (permis), communiquer sur son début et sa fin afin que l’équipement soit remis dans son fonctionnement normal ;
« habiliter » les personnes formées à poser les shunts / by-pass ou à sécuriser la pose de shunt / by-pass par un circuit de validation interne ;
transmettre formellement l’information lors des changements de poste ;
sensibiliser les opérateurs et l’encadrement sur les conditions de shunt / by-pass autorisées.

3 – Contrôle et suivi

contrôler la mise en place des mesures compensatoires ;
renforcer les contrôles avant démarrage des opérations prévues avec des shunts / by-pass de sécurité ;
mettre en place et auditer la procédure de shunt/by-pass.

Exemple représentatif

Aria n° 48676, le 10 octobre 2016, Bouches-du-Rhône

Dans une usine sidérurgique, une explosion se produit à 23 h dans une chaudière à gaz lors d’une phase de test de redémarrage. La chaudière sortait d’un arrêt de maintenance prolongé. Depuis plusieurs semaines, la marche de l’usine est fragilisée. Après plusieurs tentatives d’allumage par le chef de poste de jour, celui de nuit tente à son tour sans succès. Au bout de la 10^e tentative, il décide de shunter la détection de flamme du 1er brûleur puis du 2^e et lance le 3^e afin de s’affranchir des phases de préventilation si non-détection. Le débit d’injection de gaz conduit à la présence d’environ 90 m³ de propane au moment de l’allumage du 3^e brûleur créant une Atex à l’origine de l’explosion.

L’exploitant identifie plusieurs causes profondes à cet accident :

le chef de poste était seul lors de sa prise de décision : poste de nuit, adjoint en formation ;
un stress important dû à la marche dégradée des installations des dernières semaines ;
une sous-évaluation du risque ;
le shunt des sécurités de flamme n’était pas assez sécurisé.

Afin d’éviter ce type d’accident, l’exploitant renforce la sécurité pour limiter le shunt des détections de flammes :

il sécurise l’accès à la clé permettant le shunt des détections de flamme au niveau des brûleurs ;
il réfléchit à la sécurisation des automates ;
il rappelle aux employés l’interdiction des shunts sur flamme principale.