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L’incendie des Nouvelles Galeries de Marseille, il y a 85 ans
Les Nouvelles Galeries de Marseille ont été le théâtre d’un terrible incendie le 28 octobre 1938 qui a causé la mort de 75 personnes. De nombreux dysfonctionnements en matière de sécurité incendie ont été relevés par les enquêteurs, ce qui va donner naissance au premier règlement de sécurité incendie des établissements recevant du public (ERP).
28 octobre 1938
Un peu avant 14 h et la réouverture après la pause déjeuner des Nouvelles Galeries situées sur la Canebière à Marseille, les 335 employés regagnent leur poste. Le bâtiment, à structure métallique et planchers bois, est un quadrilatère de 3 500 m². Il se dresse sur plusieurs niveaux : un sous-sol, un rez-de-chaussée, trois étages et des combles. Un grand espace central, abritant un escalier à double révolution en bois, est fermé par une verrière au 3e étage.
À cette période, un chantier de réfection est en cours. Un grand échafaudage à plancher en bois se dresse au centre du magasin. Les ouvriers mettent en place un faux plafond destiné à cacher les armatures en fonte, ce qui nécessite notamment des modifications sur le réseau des têtes de sprinkleur. Pour protéger les étalages de la poussière, l’échafaudage est recouvert d’un papier goudronné.
Vers 14 h 20, au premier étage, un ouvrier aperçoit une petite flamme qui sort du plancher de l’échafaudage sur lequel il se trouve. Il tente d’étouffer ce feu naissant avec sa casquette, en vain. Dans une certaine confusion, et tandis que le feu se développe, quelques personnes essaient de l’éteindre avec de l’eau et des extincteurs, pendant que des vendeuses soustraient les articles menacés.
L’extinction automatique sprinkleur ne fonctionne pas (la vanne d’alimentation est désamorcée) et l’incendie prend de l’ampleur. Une épaisse fumée se répand. Une vitre de la façade se brise ce qui produit un appel d’air qui fait s’embraser l’échafaudage. Voyant que la situation est devenue incontrôlable, le directeur, enfin averti, fait actionner l’alarme évacuation. Des débris enflammés commencent à tomber sur les rayonnages qui prennent feu.
Mais les pompiers ne sont toujours pas prévenus. La secrétaire du directeur ne parvient pas à les joindre par téléphone. Sans doute la ligne est-elle déjà coupée. Ce sera l’agence Air France, située de l’autre côté de la rue, qui enfin les alertera à 14 h 37.
Pendant ce temps, l’un des escaliers, en bois, s’effondre entre le rez-de-chaussée et le 1er étage. Par la trémie centrale, l’incendie a atteint le 2e étage. La fumée noire est bloquée par la verrière du 3e étage. Les personnes qui s’y trouvent sont asphyxiées.
L’intervention
Lorsque les premiers détachements de pompiers arrivent, la situation est dramatique. Plusieurs personnes se sont jetées par les fenêtres pour échapper aux flammes et leurs corps sans vie jonchent le trottoir. D’autres, à l’intérieur, hurlent de peur et de douleur.
Les pompiers s’attachent d’une part à secourir les victimes et d’autre part à éviter la propagation de l’incendie aux bâtiments voisins. Déjà une brasserie est atteinte. Du renfort est demandé. Mais de nombreux badauds envahissent la Canebière et gênent l’arrivée des secours. Ils seront plus tard canalisés par la police.
Plusieurs lances sont déployées. Cependant un employé d’une société des eaux, remarquant une baisse de débit d’une canalisation due à l’action des lances, suppose une fuite et coupe l’alimentation… Ce manque de pression ralentit les opérations.
À 14 h 58, la façade sud du bâtiment s’effondre, projetant des éléments enflammés sur les immeubles voisins. Plusieurs départs de feu sont signalés, notamment dans deux hôtels en face des Nouvelles Galeries. L’armée est appelée à la rescousse. La Marine nationale envoie elle aussi des renforts. Des pompiers arrivent également d’Aubagne, de Toulon et d’Aix-en-Provence avec du matériel. Un bateau-pompe accoste vers 16 h 30 et permet l’approvisionnement en eau de plusieurs lances.
Vers 17 h enfin, le feu des Nouvelles Galeries est contrôlé. Reste tous les foyers secondaires… Vers 21 h, ils sont maîtrisés et les derniers foyers éteints autour de minuit.
75 personnes perdent la vie dans ce terrible sinistre (68 salariés, 2 ouvriers et 5 clientes) et 22 sont blessées. Les Nouvelles Galeries sont totalement détruites et quelques bâtiments voisins endommagés.
Il ne reste rien du magasin après l’incendie du 28 octobre 1938.
Les causes de l’incendie
Dès le lendemain du drame, une enquête judiciaire est ouverte. Des experts nommés par le juge d’instruction rendent leurs conclusions en novembre. Selon eux, c’est un mégot mal éteint au premier étage qui serait à l’origine de l’incendie. L’embrasement du papier goudronné de l’échafaudage s’est propagé à l’ensemble du magasin. Par ailleurs, les consignes de sécurité n’ont pas été observées et l’évacuation a tardé.
De leur côté, les sapeurs-pompiers sont épinglés pour la vétusté de leur matériel et un commandement absent. En effet, leur chef avait été blessé dans un autre incendie quelques jours plus tôt et son adjoint s’est blessé au début de l’intervention.
La municipalité est également pointée du doigt, notamment pour négligence dans la nomination des cadres du corps des sapeurs-pompiers et pour la mauvaise coordination avec le service des eaux. La ville sera d’ailleurs par la suite mise sous tutelle de l’État.
D’autre part, les travaux en présence du public, l’important potentiel calorifique (nombreux textiles, deux escaliers en bois…) et l’absence de compartimentage sont également en cause dans le développement du feu.
Les suites réglementaires
Le 12 novembre, soit quinze jours après l’incendie, un décret crée une inspection technique permanente des corps des sapeurs-pompiers départementaux et communaux. Celle-ci a la possibilité de mettre sous statut militaire un corps de sapeurs-pompiers.
Le 24 décembre 1938, un autre décret gouvernemental désigne une commission chargée de réorganiser le corps des sapeurs-pompiers de la cité phocéenne. Ses travaux aboutiront le 29 juillet 1939 par la publication de deux décrets-lois relatifs à la dissolution des sapeurs-pompiers de Marseille qui sont remplacés par un corps militaire : les marins-pompiers de Marseille.
Enfin, le 7 février 1941, le décret relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments ou locaux recevant du public est publié. C’est le premier règlement de sécurité de portée nationale concernant les établissements recevant du public. En particulier ce règlement :
- donne un rôle essentiel au maire dans la prévention incendie;
- crée les commissions de sécurité et les visites de sécurité;
- définit les études de plans avant travaux, les contrôles techniques et des dégagements en nombre et largeur suffisants.
Article extrait du n° 596 de Face au Risque : « Plan de continuité d’activité : mode d’emploi » (octobre 2023).
Martine Porez – Journaliste
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