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Feu de tout bois à Cabourg

27 juillet 2023••7 min•

À Cabourg (Calvados), un immeuble collectif de deux étages a été gravement endommagé par le feu et devra être détruit. Ce bâtiment était construit en bois…

Feu à Cabourg - Crédit: René Dosne/Face au Risque

Il est 1 h 50 le mercredi 5 avril 2023 lorsque les sapeurs-pompiers sont alertés. Un deux-roues est en feu au pied d’un immeuble d’habitation à Cabourg (Calvados). Première sur les lieux, la Police procède à l’évacuation des douze occupants.

L’intervention

Lorsque le premier détachement se présente, quelques minutes plus tard, les flammes recouvrent la façade sur ses deux étages et s’attaquent déjà à la toiture.

À leur arrivée, les pompiers constatent que les flammes recouvrent déjà la façade de l’immeuble sur ses deux étages et s’attaquent à la toiture.

Deux lances sont initialement établies, une de plain-pied sur rue pour abattre le feu de façade alimenté par le lambris de bois, tandis qu’une autre s’engage dans l’escalier. Une troisième lance, sur échelle, lutte contre les propagations qui s’opèrent en toiture.

Des renforts sont demandés. Rapidement, il apparaît que le feu court sous les lambris et s’enfonce en profondeur dans les éléments de façade contenant une forte épaisseur de laine minérale, sous une feuille souple pare-vapeur en plastique.

En toiture, il gagne des volumes creux de toiture à double pente, ce qui lui permet de rejoindre la face opposée du bâtiment. Conjointement, il embrase une toiture bitumineuse dont la matière liquéfiée retombe dans les espaces creux des cloisons. Un appartement s’embrase au 2e étage, tandis que les balcons des 1er et 2e, en bois, sont en feu.

Dessin RD Cabourg 01 - Crédit: René Dosne/Face au Risque

Huit appartements touchés

Si les foyers les plus virulents sont jugulés vers 6 h, une propagation lente du feu s’opère encore entre les parois de bois et de placoplâtre constituant les murs. Les cloisons doivent être largement dégarnies autour de la zone brûlée.

Jusqu’en fin de matinée, un dégarnissage minutieux est nécessaire pour que le feu soit enfin déclaré éteint, en fin de journée. Sur les dix appartements, huit sont touchés ou détruits. Il semble que le feu de scooter soit d’origine criminelle. Placé sous un surplomb de façade, face au hall d’entrée, il ne pouvait que connaître un développement destructeur et rapide.

Heureusement, le hall d’accès ouvrait sur deux façades opposées, l’une des deux sorties étant barrée par l’incendie.

La police, en patrouille, se présente la première, comme cela arrive parfois de nuit. Quatre policiers seront intoxiqués et un blessé lors de l’évacuation des occupants.

Les façades en bois

Le scénario est semblable à ceux du cinéma d’Auch et de Lavelanet (lire “Les précédents” ci-dessous) où le feu éclate sous un surplomb. Dans ce cas, le feu attaque la façade sur la tranche, là où elle est la plus vulnérable si elle n’est pas renforcée. Les constructions bois se caractérisant par leurs volumes creux de bois et de plaques de plâtre emplis d’isolant (souvent combustible) sous forme multicouche. C’est la destruction du bâtiment qui permettra d’assurer l’extinction effective.

Ici, le bâtiment, sinistré à 60 %, sera détruit puisque des éléments porteurs ont été affectés.

Notons toutefois que le rez-de-chaussée abritant des garages était isolé du 1er étage par une dalle béton et que cette partie de l’édifice a été préservée.

Construit à la périphérie de Cabourg en 2002 dans un lotissement constitué de dizaines de bâtiments érigés sur le même concept, en bois, l’immeuble de 2 étages compte une dizaine d’appartements.

D’une surface de près de 400 m², il est constitué d’une ossature de poteaux bois de forte section. Le plancher du 1er étage est en béton. Les façades sont en panneaux de bois aggloméré formant des caissons emplis de laine minérale. La face ouvrant sur les appartements est en panneaux de plâtre, la façade sur rue est couverte d’un lambris de bois. Des balcons de bois sont répartis en façade, l’escalier en bois n’est pas encloisonné.

Nous sommes en milieu urbain et des poteaux d’incendie publics sont proches, les secteurs bien alimentés.

L’immeuble d’habitation, réglementairement classé en 2e famille, est équipé d’extincteurs dans ses parties communes.

La liste des gros sinistres de constructions totalement ou partiellement en bois s’allonge. Leur fréquence augmente à mesure que les programmes et quartiers éco-responsables se multiplient. Il semble que les feux de voie publique constituent un risque certain. Feux de conteneurs à ordures, deux-roues appuyés sur une façade de lambris, feu de véhicule et bien sûr incendie criminel.

Les feux sur balcon peuvent se généraliser verticalement, les flammes devenant rapidement imposantes au point de couvrir un instant la façade.

  • Salon de Provence : un petit immeuble R +1 constitué de 6 appartements, doit être démantelé devant l’impossibilité de procéder à son extinction. Le feu est dans les murs (Face au Risque n° 520, février 2016).
  • Lavelanet (Ariège) : feu de bâtiment R +1 abritant des logements sociaux bâtis sur un rez-de-chaussée servant partiellement de parking. L’ensemble est totalement détruit et trois occupants perdent la vie (Face au Risque n° 507, novembre 2014).
  • San-Francisco : feu de complexe d’habitations R +7 de 6 000 m2 au sol totalement détruit à la suite d’un travail par point chaud en fin de chantier. Au matin, il ne reste plus, émergeant d’un tas de bois calciné, que les trémies de béton des escaliers et ascenseurs (Face au Risque n° 505, septembre 2014).
  • Draguignan : incendie d’immeuble R + 4 causé par un barbecue sur balcon de bois. Le feu s’est propagé à l’ensemble de la façade et détruit en profondeur de nombreux appartements (Face au Risque n° 554, juillet-août 2019).

À cette liste s’ajoutent les feux survenant en montagne, aux constructions pas forcément en bois, souvent en béton, mais traditionnellement recouvertes d’éléments de bois en façade, balcons, et aux toitures débordant largement en surplomb :

  • « Des stations de sports d’hiver coupées du monde » (Face au Risque n° 239, janvier 1988) ;
  • Feux à Val Thorens (Face au Risque n° 417, novembre 2005) ;
  • Avoriaz (Face au Risque n° 451, mars 2009) ;
  • Courchevel (Face au Risque n° 478, décembre 2011)…

Ajoutons l’incendie de modules d’habitation R +5 près de Lausanne en 1999. Parti d’un réfrigérateur, l’incendie gagne les façades tapissées de bois, justifiant l’engagement de 150 pompiers pendant plus de 20 heures. Le feu ne sera éteint que lorsque les trois modules constituant 1/3 de la résidence seront abattus.

Trois occupants seront gravement blessés ou brûlés.

Un des dénominateurs communs à la majorité de ces incendies : le démantèlement des constructions, garant de leur véritable extinction. En effet, l’utilisation de parois multicouches, emplies d’épaisses couches d’isolant tel que paille, laine minérale, laine, etc. entraîne un feu couvant et rampant dans ces parois multicouches, ne pouvant être atteint et traité que par la destruction de celles-ci.

En savoir plus

A lire sur le même sujet : “Feu de tous bois à Montfermeil“.

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Article extrait du n° 594 de Face au Risque : « Éviter les chutes » (juillet-août 2023).

René Dosne, lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

René Dosne

Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

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