Purificateurs d’air, une force intérieure face au Covid

22 novembre 20219 min

Décontamination. 2 novembre 2020… Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, déclare sur France Inter  son refus de voir les purificateurs d’air envahir les salles de classe des écoles françaises pour faire face à l’épidémie de Covid-19, faute de preuve probante de leur efficacité. À peine six mois plus tard, le 22 avril 2021, ce dernier encouragera finalement les collectivités à installer des capteurs de CO2 et des purificateurs d’air « chaque fois que cela est pertinent ». Explications sur cette volte-face.

Article extrait du n° 576 de Face au Risque : « Sûreté des chantiers » (octobre 2021).

La fiche pratique de l’INRS comme point de départ

Entre novembre 2020 (voir vidéo ci-dessous) et avril 2021, plusieurs raisons ont conduit au changement de position de Jean-Michel Blanquer sur le sujet des purificateurs d’air. Parmi elles, on retrouve la « Fiche pratique de sécurité ED 149 » conçue par l’Institut national de recherche et sécurité (INRS).

Disponible gratuitement sur le site internet de l’institut, ce document édité en janvier 2021 précise notamment quels sont les purificateurs adaptés pour faire face au Covid-19 en milieu clos.

Il est ainsi précisé sur cette fiche que les seuls dispositifs ayant une efficacité optimale dans ces circonstances sont les purificateurs « équipés de filtres HEPA (filtres à air à haute efficacité pour particules) de classe minimale H13 selon la norme EN 1822-1 ».

À noter qu’il existe des types de purificateurs d’air misant sur une désinfection par UV ou plasma plutôt que sur la filtration. Leur usage n’est, pour l’heure, pas recommandé par l’INRS dans sa fiche pratique ED 149.

Purificateurs (ou épurateurs) d’air, de quoi parle-t-on ?

Si le positionnement de Jean-Michel Blanquer a changé en l’espace de six mois, les processus de fabrication de ces dispositifs n’ont pourtant pas évolué. Expert d’assistance conseil à l’INRS, Bruno Courtois nous explique leur fonctionnement.

« D’une manière générale, les purificateurs d’air permettent de retirer une certaine pollution de l’air d’un local en l’aspirant, en le traitant et en le rejetant dans une même pièce », précise-t-il dans un premier temps, avant de se pencher sur le cas des polluants à éliminer. « On distingue deux grands types de polluants dans l’air : les particules solides ou liquides en suspension (les fameux aérosols), et les gaz et vapeurs. Suivant que l’on veuille éliminer l’un ou l’autre, les technologies sont généralement différentes. »

Quel fonctionnement face au Covid-19 ?

« Dans le cas du Covid-19, les virus vont être portés par des aérosols. Donc les technologies a priori utilisables sont celles qui concernent les aérosols, poursuit Bruno Courtois. À l’INRS et dans d’autres organismes, pour traiter le Covid-19 ou les virus en général, on recommande une filtration mécanique de l’air avec des filtres qui arrêtent efficacement les aérosols y compris les plus fins. »

Schéma expliquant le fonctionnement d’un purificateur d’air : l’air de la pièce est aspiré par l’appareil,
les aérosols du virus sont retenus dans les filtres,
puis l’air traité est rejeté dans la pièce. (Crédit Trotec)

Reste à savoir comment cela fonctionne dans le cas où une personne porteuse du Covid se retrouve dans une pièce équipée d’un purificateur d’air avec d’autres personnes saines. Réponse de notre expert de l’INRS.

« Toutes les personnes vont émettre des gouttelettes de salives – en particulier lorsqu’elles parlent, toussent ou éternuent – mais également des particules beaucoup plus fines, des aérosols, qui vont pouvoir rester en suspension dans l’air. Dans un local, en présence d’une personne contaminée, vous pouvez être contaminé de plusieurs façons.

Premièrement par les gouttelettes, qui peuvent vous atteindre directement. Les épurateurs d’air ne pourront rien contre ces gouttelettes puisque c’est un contact direct, avec quelqu’un qui vous postillonne dessus par exemple. »

Pour éviter la propagation de ces gouttelettes entre individus en intérieur, les moyens les plus sûrs restent encore aujourd’hui les gestes barrières (masques et distanciation physique).

« Et puis il y a ces aérosols qui sont très fins. Il peut y avoir une contamination à courte distance. Mais puisque ces aérosols sont très fins, ils vont suivre les mouvements d’air qu’il peut y avoir dans un local et s’y accumuler.

C’est là que les épurateurs d’air peuvent aider à lutter contre ce risque de contamination car en filtrant l’air, ils vont permettre de diminuer la concentration de ces aérosols dans l’air. En présence d’une personne contaminée, cela évite que cette concentration soit trop importante. Le risque de contamination est ainsi réduit. »

Et notre interlocuteur de conclure à ce sujet : « L’épurateur d’air ne dispense pas des mesures de distanciation et du port du masque. Le masque va éviter l’émission de gouttelettes et réduire, plus ou moins, l’émission d’aérosols fins. La mesure la plus efficace est d’abord d’essayer de réduire autant que possible ce qui va partir dans l’air. »

Quels usages avant le Covid-19 ?

Avant qu’ils n’envahissent écoles, collectivités ou bureaux depuis le printemps de cette année 2021 pour des raisons sanitaires, les purificateurs étaient déjà présents dans le quotidien de plusieurs millions de travailleurs… mais également de particuliers.

« En Chine, il y en a partout. Pratiquement dans chaque pièce des habitations, confie Jean-Luc Jung, directeur de la filiale française de Trotec, entreprise allemande fondée en 1994 et spécialisée dans la fabrication de produits destinés au traitement de l’air. En France, on semble découvrir les purificateurs d’air alors qu’il en existe depuis plusieurs années pour les personnes ayant des problèmes d’asthme par exemple. Des purificateurs d’air professionnels, que ce soit pour les chantiers ou pour l’amiante, cela fait vingt ans que nos clients les achètent ou les louent chez nous. »


« Les purificateurs d’air sont un complément à la ventilation »


D’autres secteurs du monde professionnel n’ont en outre pas attendu cette crise sanitaire pour s’équiper de ces dispositifs. C’est le cas du milieu hospitalier ou des activités produisant des poussières de manière diffuse. « Les cas d’utilisation étaient plus restreints, note Bruno Courtois. Mais on s’en servait en complément d’autres moyens de prévention comme la ventilation, qui sert à apporter de l’air neuf dans les locaux ».

Et celui-ci de nuancer leur mode d’utilisation : « Il y a plusieurs paramètres à prendre en compte comme le volume de la pièce ou le nombre d’occupants… Aujourd’hui encore, les épurateurs sont un complément à la ventilation et ne sont pas supposés remplacer la ventilation… » Une donnée que relevait d’ailleurs Jean-Michel Blanquer, lui qui incitait à aérer « chaque fois que cela est possible ».

Le cas allemand

Alors que le Gouvernement français a tergiversé durant de longs mois pour se positionner officiellement en faveur des purificateurs, d’autres pays européens n’ont pas attendu. L’Allemagne a par exemple franchi le pas dès l’été 2020.

Une initiative quelque peu forcée il est vrai par un cluster géant au sein de la société Tönnies, spécialisée dans la transformation de viande. Cette entreprise, qui emploie 6 500 personnes, est tout simplement l’un des plus importants abattoirs d’Europe.

En juin 2020, plus de 1 000 salariés ont été contaminés par le Covid- 19 dans ses locaux… Provoquant à l’époque l’un des plus grands clusters d’Europe et obligeant ainsi les autorités allemandes à réagir. Conséquence directe : celles-ci ont envisagé toutes les pistes pour éviter qu’un tel scenario ne se produise à nouveau. L’une d’elles menait aux purificateurs d’air en intérieur.


Quelques cas d’usages d’un purificateur d’air. (Crédit photos : Trotec et Venteo)


Fort de 25 ans d’expérience sur le sujet, l’entreprise Trotec – qui conçoit des produits équipés de filtres HEPA H14 répondant aux critères de l’INRS – a logiquement été l’une des entreprises sollicitées sur le sujet. « Notre société a eu un agrément. Nous sommes devenus “société prioritaire” en Allemagne. Le Gouvernement nous a accrédités d’une certification pour la purification d’air et la déshumidification. Nous sommes reconnus comme étant d’utilité publique », argue Jean-Luc Jung.

Cette stratégie du Gouvernement allemand, débutée à l’automne 2020, s’est par ailleurs accompagnée pour cette rentrée scolaire 2021 d’une aide financière conséquente – avec une enveloppe de 200 millions d’euros – afin que les collectivités puissent équiper l’ensemble des écoles et des crèches de ces dispositifs. Une aubaine pour Trotec qui, depuis juillet 2020, a vendu plusieurs milliers de purificateurs d’air.

Prise de conscience dans le tertiaire

En France, cette adaptation ne se limite pas aux établissements scolaires. Directeur général associé chez Venteo, entreprise spécialisée en amélioration de la qualité de l’air et de la performance énergétique des bâtiments, Axel Ballion nous explique de quelle manière de nombreuses entreprises issues du secteur tertiaire ont pris conscience des problématiques liées à la qualité de l’air par le biais du Covid-19.

« Des guides destinés aux gestionnaires en bâtiments sont sortis pour inciter à accorder une attention particulière à la ventilation, car c’était l’une des clés pour lutter contre la propagation du virus en intérieur. Nous le savions déjà puisque nous assurons depuis plusieurs années la gestion des bâtiments en milieu hospitalier, qui a des normes plus rigoureuses que dans le tertiaire.

Cette attention s’est généralisée à tous types de bâtiments et à tous les secteurs. On a accompagné nos clients pour contrôler leur système de ventilation ou remettre aux normes ces systèmes qui, dans beaucoup de secteurs, sont un peu défaillants. Nous avons adapté ce que nous faisions dans le milieu hospitalier et l’industrie, de manière plus simplifiée, au secteur tertiaire et aux autres domaines. »

L’exigence d’un air de qualité, avenir des purificateurs ?

La question est désormais de savoir quel avenir s’offrira aux purificateurs d’air lorsque le nuage Covid-19 se sera évaporé… Trotec mise d’ores et déjà sur des lendemains ensoleillés.

« On n’en est qu’au début. Les gens, surtout les nouvelles générations, ont pris conscience qu’au-delà du virus la qualité de l’air est un enjeu important au quotidien. En Allemagne, la qualité de l’air est par exemple un critère pour choisir son restaurant », conclut Jean-Luc Jung de manière optimiste.

Eitel Mabouong

Eitel Mabouong

Journaliste

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