Accidents technologiques. Les événements industriels de l’année 2020

21 octobre 20217 min

Le Barpi, Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels, analyse les événements survenus en 2020 dans les installations classées pour la protection de l’environnement.

Article extrait du n° 576 de Face au Risque : « Les événements industriels de l’année 2020 » (octobre 2021).

Base de données Aria. Les informations relatées dans cet article sont issues de la base de données Aria (analyse, recherche et information sur les accidents) du ministère chargé de l’environnement, accessible gratuitement. Elle dénombre, au 31 décembre 2020, plus de 55 000 événements. L’inventaire est à retrouver ici.

Une année marquée par la pandémie de Covid-19

L’année 2020 a été une année inédite avec la survenue de la pandémie qui se prolonge en 2021. Le fonctionnement normal des installations industrielles a pu être contrarié par des baisses d’activité ainsi que des perturbations et contraintes induites par cette crise (Cf. Incendie dans un poulailler, Aria n° 56340) :

  • ressources humaines indisponibles ;
  • maintenance perturbée ;
  • fragilisation des ventes et augmentation des stocks ;
  • modification rapide des gammes de produits et de production ;
  • arrêts de production non prévus.

Cela se traduit dans les chiffres (voir graphiques 1 et 2 ci-dessous).


Graphique 2 - Evolution de l'accidentologie des ICPE hors Seveso. (Source Barpi).

Concernant les établissements Seveso, l’année 2020 enregistre une baisse significative des événements et une baisse plus légère des accidents.

Concernant les établissements non Seveso, le Barpi constate une baisse significative des accidents et des événements.

Le nombre d’accidents majeurs reste dans l’épure de la moyenne de ces dernières années (moyenne : 5,25 / écart-type : 1,8).

Les secteurs d’activité en cause

Les trois principaux contributeurs (déchets, chimie-pharmacie, agroalimentaire) n’ont pas changé par rapport à l’année précédente (voir graphique 3 ci-dessous).

Les phénomènes dangereux

Les incendies sont présents dans 80 à 93 % des accidents dans les secteurs des déchets, de la construction mécanique ou du travail du bois.

Les rejets de matières dangereuses sont présents dans 75 à 88 % des accidents des secteurs des déchets, de la chimie, de l’agroalimentaire, et de la logistique (voir graphique 4).

Des conséquences humaines en baisse

Cinq salariés ont perdu la vie en 2020, en baisse par rapport à 2019.

En revanche, le nombre de blessés a été divisé par 2,5 passant de 631 à 245. La baisse est aussi forte pour les blessés recensés chez les sauveteurs ou les riverains.

Le nombre de blessés graves est également en forte baisse, passant de 46 à 16 (voir graphique 5 et cf. Incendie dans un centre de tri des déchets, Aria n° 56420).

Les conséquences environnementales, économiques et sociales

79 accidents ont eu des conséquences sur l’environnement contre 99 en 2019, en baisse de 20 % (cf. Pollution de l’Aisne par une usine de produits laitiers, Aria n° 55926).

En revanche, les conséquences économiques et sociales sont importantes. 76 % des accidents ont pour conséquences des pertes matérielles ou de production.

Le Barpi a connaissance des montants pour environ 13 % des accidents (contre 21 % en 2019).

On peut noter que dans environ 16 % des accidents, les employés sont mis au chômage technique, une partie de l’outil de production étant inutilisable (cf. feu dans un centre de traitement de déchets dangereux, Aria n° 55574).

Aller jusqu’au bout de l’analyse : une obligation pour progresser

Les perturbations (ou causes premières) sont les parties visibles des dysfonctionnements : panne matérielle, emballement de réaction, mauvaise manipulation.

Se limiter, par exemple, à changer un matériel en panne ne résoudra que ponctuellement le problème. Pour s’en prémunir, il faut aller jusqu’à l’identification des causes profondes ou causes racines qui sont à l’origine de ces perturbations et mettre en place les solutions correctives (tout comme le jardinier éradique la racine des mauvaises herbes pour éviter qu’elles ne repoussent).

Malheureusement, le taux de connaissance des perturbations est en forte baisse, redescendant aux niveaux de 2015 (voir graphique 6).


Graphique 6 - Taux de connaissance en % des perturbations dans les accidents sur les ICPE (Source Barpi).

Au niveau des perturbations émergentes, on retrouve les écarts matériels, les interventions humaines et les pertes de contrôle des procédés.

À noter que pour le Barpi, la notion d’écart matériel regroupe tout dysfonctionnement amenant un matériel à ne pas répondre à sa fonction initiale. Ainsi, un capteur mal positionné ou mal étalonné ne répondra pas à sa fonction initiale qui est de mesurer une valeur correspondant à la réalité.

Le taux de connaissance des causes profondes s’établit à 36 % pour les accidents survenus sur les ICPE en 2020.

Ces causes profondes regroupent différentes familles de défaillances (voir graphique 7 ci-dessous) telles que :

  • organisation des contrôles ;
  • formation et qualification du personnel ;
  • ergonomie du poste de travail ;
  • choix des équipements et procédés ;
  • etc.

Le 29 juin 2020 à Bras-sur-Meuse (Meuse). Aria n° 55710, Naf 46.33 : commerce de gros de produits laitiers, œufs, huiles et matières grasses comestibles

L’accident

À 9 h 35, lors d’une livraison dans une laiterie, une explosion se produit dans une cuve d’acide nitrique. Le chauffeur, d’origine étrangère et comprenant mal le français, arrive sur le site avec un chargement de thiosulfate d’ammonium destiné en réalité à l’entreprise voisine. Il se trompe d’entrée, rentre dans la laiterie et est accueilli par un opérateur qui attendait une livraison d’acide nitrique. Ce dernier ne vérifie pas le bordereau indiquant la nature du produit et part enfiler ses EPI après avoir indiqué l’emplacement du poste de dépotage d’acide nitrique au chauffeur.

L’opération doit se dérouler en binôme. Mais il n’attend pas le retour de l’opérateur pour brancher son camion et démarrer le dépotage. Au bout de quelques secondes, une réaction violente et très exothermique se produit entre le thiosulfate et l’acide nitrique à 53 %. Le trou d’homme de la cuve est éjecté. Le chauffeur ferme la vanne de dépotage et s’enfuit.

Les conséquences

Un important nuage gazeux de couleur rouille (vapeurs nitreuses) se dégage. Le personnel du site et de l’entreprise voisine est évacué. Cinq personnes sont envoyées à l’hôpital. La voie navigable située à proximité et la départementale voisine sont coupées. Les pompiers, arrivés sur site à 9 h 45, refroidissent la cuve avec deux lances. Les eaux d’extinction sont dirigées vers la bâche à eaux de l’usine. Vers 12 h, les pompiers manipulent la vanne de pied de cuve pour la fermer, mais la présence probable de résidus des deux produits engendre une nouvelle explosion projetant la vanne à plus de 20 m.

L’analyse

Un précipité de gros cristaux blanchâtres s’est formé en fond de cuve. L’analyse montre qu’il s’agit d’acide nitrique déshydraté. Les quantités mises en jeu sont de 400 kg de thiosulfate d’ammonium en solution et 2,5 t d’acide nitrique. L’organisme contacté pour avis technique préconise de continuer d’arroser pour éviter l’emballement réactionnel et d’éviter d’introduire de l’eau pour ne pas déclencher une nouvelle réaction violente. Une société spécialisée dépote, deux jours plus tard, la cuve dans quatre conteneurs de 1 000 l. Les 100 l restant en fond de cuve sont pompés après dilution. La laiterie reprend ses activités le lendemain.

Vincent Perche - Barpi

Vincent Perche
Barpi (Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels)
Adjoint au chef de bureau, responsable de la cellule chimie, informatique et équipements sous pression

---

Les plus lus…

Inscrivez-vous
à notre
newsletter

Recevez toutes les actualités et informations sûreté, incendie et sécurité toutes les semaines.