Il y a 25 ans, l’incendie du Crédit Lyonnais

5 mai 20216 min

Le 5 mai 1996, un violent incendie détruit le beau bâtiment haussmannien construit en 1878 servant de siège au Crédit Lyonnais. Retour sur ce sinistre qui aura marqué un tournant pour cette banque alors engluée dans les affaires financières.

Cet article est paru – en partie – dans le n°572 de Face au Risque (mai 2021).


Il est 8 h 25 lorsque l’alerte retentit ce dimanche 5 mai 1996 au siège social du Crédit Lyonnais à Paris. Elle provient d’un détecteur de la vaste salle des marchés de 1 200 m² d’un seul volume. Celle-ci est située au premier étage au centre d’un bâtiment haussmannien de 9 800 m2 de surface au sol s’élevant sur sept niveaux.

Deux agents de sécurité se rendent sur les lieux, tentent d’éteindre un feu avec peu de flammes provenant d’un écran qui crépite. Mais la fumée noire qui s’étale au plafond se densifie et ils battent rapidement en retraite. Les pompiers sont alertés à 8 h 32.

Un long combat commence pour les pompiers

À leur arrivée, les couloirs sont très enfumés. « L’incendie est invisible, une chaleur croissante règne dans les locaux, laissant supposer la présence d’un important foyer », peut-on lire sous la plume de René Dosne dans Face au Risque n° 326 d’octobre 1996.

Les filets de fumée s’échappant par la toiture deviennent de plus en plus denses. Il faut créer des exutoires, mais les vitrages sont blindés ! Le feu se diffuse par tous les passages possibles. La tâche des pompiers est difficile : tout est enfumé. Ils doivent s’équiper d’ARI (appareils respiratoires isolants). En outre, le bâtiment est très grand et certains secteurs ne sont accessibles qu’avec des badges.

Près de l’escalier d’honneur, les pompiers finissent par briser les verrières à l’aide de haches. Cependant, les fumées et les gaz chauds circulent dans les étages. « Les propagations ne sont pas contrôlées, la fumée et la chaleur croissante interdisant l’investigation de zones entières de l’édifice », poursuit René Dosne.

Effondrement du plafond de la salle des marchés

Vers 11 h 30, sous la poussée des flammes, une vitre explose, puis d’autres suivent. L’incendie se libère et gagne tous les niveaux.

Tout à coup, le plafond de la salle des marchés, qui supporte une terrasse arborée de 1 000 m2, s’effondre et emporte tout, jusqu’au plafond du premier sous-sol des salles des coffres. Un cratère est ainsi formé au centre du bâtiment et l’incendie poursuit son œuvre.

À 16 h 30, une amélioration est notée. Mais deux heures plus tard, le feu reprend de la vigueur.

Enfin, vers 20 h, il est circonscrit. Et il est annoncé éteint vers 2 h 30 le lundi matin.

Le bilan

L’incendie a détruit les deux tiers du bâtiment construit en 1878. S’il n’a pas été mortel, 53 sapeurs-pompiers ont été blessés ou intoxiqués pendant cette longue et périlleuse intervention, ainsi que 4 civils.

Au total, 104 officiers, 257 sous-officiers, 838 sapeurs ont participé à l’intervention.

Sécurité et sûreté

Quinze agents de sécurité en semaine et huit le week-end surveillent le bâtiment. 2 800 détecteurs (93 dans la salle des marchés) sont reliés au PC de sécurité. Extincteurs et robinets d’incendie armés sont répartis dans les étages.

Outre les vitrages qui sont anti-effraction, des rideaux de fer protègent les accès du rez-de-chaussée et certains locaux sont accessibles uniquement par badge. Tout ceci a ralenti la progression des secours « sans gêner celle du feu », déplore René Dosne.

Après l’incendie, des agents de sécurité privée ont surveillé le bâtiment et notamment les salles des coffres. En effet, leurs accès devaient être sécurisés avant d’autoriser les clients à venir récupérer leurs biens. Ces salles, les plus grandes d’Europe, contiennent 19 000 compartiments, les plus grands mesurant jusqu’à 12 m².

La continuité d’activité

2 500 personnes travaillaient au siège du Crédit Lyonnais. Un an plus tôt, un plan de continuité d’activité prévoyait une salle des marchés de secours. Les 240 salariés concernés y ont été transférés quelque temps. Puis ils ont intégré début 1997 une nouvelle salle des marchés près du siège.

Les autres salariés ont été répartis dans les différents locaux de la région parisienne appartenant à la banque. L’agence bancaire qui était installée au siège a été déplacée place de la Bourse.

L’origine du sinistre

Bien que le Laboratoire central de la Police scientifique n’ait pas trouvé de substances ayant servi à mettre le feu, plusieurs faits ont accrédité la thèse d’un acte volontaire :

  • l’existence de deux foyers éloignés de plus de 10 mètres dans la salle des marchés, où l’incendie a démarré ;
  • les deux poutres où aurait pris le feu n’étaient pas reliées entre elles par un câble ou un dispositif électrique, indiquant selon les experts que l’hypothèse d’un court-circuit était peu probable ;
  • le dysfonctionnement des détecteurs de la salle des marchés, qui se sont déclenchés tardivement alors que les fumées étaient déjà importantes ;
  • l’incendie criminel d’un entrepôt au Havre le 19 août 1997 où se trouvaient les archives d’IBSA, une filiale du Crédit Lyonnais. Il faut savoir que ses dirigeants étaient mis en examen, voire incarcéré concernant son fondateur (un ancien PDG du Crédit Lyonnais), à la suite d’une affaire de détournements de fonds et de commissions occultes. Rappelons que la Commission de contrôle bancaire enquêtait depuis 1993 sur des investissements douteux réalisés par des filiales du Crédit Lyonnais qui était alors une banque publique.

La justice ne disposant d’aucune piste sur les auteurs et les mobiles de l’acte, personne n’a été poursuivi dans cette affaire. L’idée de la piste criminelle reste cependant entière.

La banque après l’incendie

En 1999, l’État français privatise partiellement le Crédit Lyonnais. Peu après, la banque vend l’immeuble à différents investisseurs mais reste locataire de la partie côté Boulevard des Italiens.

En 2002, la banque est rachetée par le Crédit Agricole.

Afin de redorer son blason terni par les scandales financiers, le Crédit Lyonnais change de nom en 2006 et devient « LCL ».

En décembre 2010, la banque installe son siège à Villejuif (Val-de-Marne) pour regrouper l’ensemble des fonctions du siège répartis alors sur douze sites. Les près de 450 personnes qui travaillaient encore Boulevard des Italiens quittent donc le siège historique de la banque. Seules les opérations des clients fortunés et des dirigeants des grandes entreprises se font encore à cette adresse.

Martine POREZ

Martine Porez
Journaliste

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