Les négligences coupables d’une entreprise au cœur de l’incendie le plus meurtrier des États-Unis

5 mars 20194 min
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Les négligences coupables d’une entreprise au cœur de l’incendie le plus meurtrier des États-Unis

Le changement climatique doit impérativement entrer dans l’analyse des risques de toutes les entreprises qui ne doivent plus sous-estimer ses effets. C’est sans doute la leçon que la Pacific Gas & Electric Company (PG&E) devrait tirer du fameux Camp Fire

Le plus meurtrier de l’histoire américaine

Camp Fire, le feu de forêt le plus meurtrier de l’histoire américaine ne devrait pas rester sans suite. À cela près que le 14 janvier 2019, l’entreprise s’est déclarée en faillite et que sa PDG a démissionné dans la foulée. De ce fait, il est peu probable que les nombreuses poursuites intentées contre elle finissent par aboutir. C’est même, selon plusieurs experts, la raison de cette faillite soudaine.

Un défaut sur une ligne haute-tension

Tout a commencé au matin du 8 novembre 2018 lorsqu’un défaut sur une ligne haute-tension est relevé. Une attache serait entrée en contact avec un pylône électrique de 115000 volts provoquant une étincelle qui a enflammé la brousse alentour.

Les sapeurs-pompiers, arrivés seulement 10 minutes plus tard n’ont rien pu faire pour empêcher le feu de se propager.

Du vent et la sécheresse

Poussé par un vent de près de 60 km/h et attisé par de nombreux combustibles dus à l’extrême sécheresse que connaît depuis quelques années la Californie, rien n’a pu arrêter sa progression. Sur son passage, le feu a ravagé 63 000 hectares, détruit 22 000 bâtiments et, surtout, rasé la ville de Paradise.

86 personnes y ont trouvé la mort, 3 sont toujours portées disparues à ce jour.

Des négligences

Des accidents peuvent se produire. Les négligences sont d’un tout autre registre. Car PG&E n’en est pas à son coup d’essai. Numéro 1 de son secteur en Californie, l’entreprise emploie près de 37 000 salariés.

L’action chute de 72 %

Valorisée à 25 milliards de dollars avant l’incendie, son action a chuté de 72 % en fin d’année dernière. Elle fournit gaz naturel et électricité à près de 16 millions de foyers. Il importe peu que chaque année, l’entreprise coupe environ 1,4 million d’arbres pour élaguer les abords de ses infrastructures et éviter que le feu ne se propage.

La Californie connaît de plus en plus de feux de grande taille

En 32 ans, 4 % de la Californie a brûlé selon les calcul de l'EPA

l’agence américaine de protection de l’environnement

Détournements de fonds ?

En 1994, le budget de 77,6 millions de dollars consacré à l’« élagage » avait été utilisé à d’autres fins, révélait dans une précédente enquête l’autorité de régulation de l’énergie californienne. Car les enquêtes ne manquent pas.

Des précédents pour PG&E

En 2017, l’incendie de Tubbs dans le comté de Sonoma, qui avait coûté 1,3 milliard de dollars, détruit 15 000 hectares, rasé 5 600 bâtiments et fait 22 morts, voyait déjà PG&E citée. Fin janvier 2019, les poursuites ont été abandonnées faute de preuve.

Le grand public se souvient aussi d’Erin Brockovich, popularisée par Julia Roberts dans le film éponyme qui se battait déjà contre la firme. L’avocate américaine a décidé de reprendre du service à la faveur de l’incendie de Paradise. Elle ne veut pas que l’entreprise dépose le bilan et s’en sorte sans assumer ses responsabilités et indemniser les sinistrés.

Des problèmes de sécurité connus

Selon l’AFP qui a pu consulter des documents internes, la ligne haute tension en question dans le sinistre de Camp Fire daterait de 1920 et aurait été achetée en 1930 par PG&E. En 2013, un audit indépendant aurait cependant mis en lumière divers « problèmes de sécurité » chez PG&E, en particulier la vétusté de plus de la moitié des lignes électriques, constituées de fils de cuivre trop minces. Et de rappeler que le fournisseur d’énergie a déjà été condamné à plusieurs reprises pour ses manquements. Il a notamment été reconnu coupable de 739 cas de « négligence criminelle » pour un incendie en 1994.

Les assureurs portent plaintent

En plus des très nombreuses parties civiles, trois des plus gros assureurs américains ont porté plainte contre l’entreprise. Les dégâts, qui restent encore à chiffrer, se comptent en mil- liards de dollars. Outre les morts, les disparus, les maisons, les véhicules et les différents bâtiments, publics et privés dévastés, l’incendie a provoqué un pic de pollution dans la région et causé ainsi beaucoup de dommages indirects.

Pour les entreprises, cet incendie pourrait remettre en cause la manière dont le risque est évalué : une simple étincelle a dévasté une région, détruit de manière durable des écosystèmes et fait couler une entreprise leader sur son marché.

David Kapp
Rédacteur en chef

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