Se former pour réagir face au risque attentat

24 juillet 20188 min
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Se former pour réagir face au risque attentat

Les menaces d’attentats en France ces dernières années incitent les entreprises à renforcer leur sûreté et à se préparer à des attaques terroristes violentes au travers d’actions de formation.

L’attentat de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) sur le site d’Air Products le 26 juin 2015, où un conducteur d’une société de transport prestataire de l’usine est entré et a tenté de faire exploser des citernes de gaz, a démontré la vulnérabilité des sites sensibles et l’urgence de se préparer à ce type d’attaque. Un mois après l’attentat, une instruction du Gouvernement, datée du 30 juillet 2015, s’est attachée au renforcement de la sécurité des sites Seveso contre les actes de malveillance. Outre la préconisation d’inspecter et d’évaluer la sûreté de ces sites, elle a rendu obligatoire l’organisation d’un exercice sûreté dans un site Seveso catégorisé point d’importance vital (PIV) pour chaque zone de défense avant la fin de l’année 2015.

Des scénarios adaptés au risque attentat

La société Guerbet, qui fabrique des produits de contrastes pour l’imagerie médicale, a organisé le 5 octobre 2016, sur son site de Lanester (Morbihan), un exercice sûreté grandeur nature. Reconnu comme installation classée de type Seveso seuil haut, le site de Lanester doit réaliser, tous les trois ans, un plan particulier d’intervention (PPI). Ce plan d’urgence prévoit les moyens d’actions et les procédures en cas de crise sur le site pouvant impacter son environnement extérieur.
Si l’entreprise est habituée à réaliser des exercices de sécurité, la nouveauté provient, cette fois, de la spécificité inédite du scénario : une attaque terroriste avec une alerte « tuerie de masse », une première en France.

L’objectif est multiple :

  • tester les capacités de réaction du personnel de l’entreprise ainsi que celles des forces de l’ordre, des services de secours et des services de l’État ;

  • évaluer et améliorer les moyens d’intervention et la coordination entre les différents intervenants, qu’ils soient internes ou externes à l’entreprise, tout en prenant en compte les risques industriels liés aux produits chimiques présents sur le site.

Le scénario de l’exercice est le suivant : un prestataire, qui vient régulièrement réaliser des travaux sur le site, pénètre dans l’entreprise. Il incendie un stockage de liquides inflammables, neutralise le système d’extinction et blesse par balles quatre personnes. Il prend ensuite en otage deux salariés en se retranchant dans un poste de conduite.

“Nous avons travaillé sur un plan d’action qui comprenait trois thématiques : l’organisation, la technique et la formation”

Anne-Laure Delasalle, directrice de la communication de Guerbet.

Tester la réaction des salariés

Pas moins de dix réunions de 2 heures ont été nécessaires au groupe de travail pour établir un scénario au plus proche des problématiques et des préoccupations de l’entreprise en matière d’intrusion. Ce groupe de travail était composé de responsables du site, du Sdis, de la Dreal, des forces de police ainsi que du service de la sécurité civile de la préfecture qui a piloté et coordonné l’ensemble de l’exercice.

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Trois managers connaissaient le scénario. Ils ont informé les cadres peu de temps avant le jour J. Les autres salariés n’ont été prévenus qu’en début d’exercice. Il s’agissait de tester leurs réactions tout au long de son déroulé.

L’alerte a été donnée à 8 h 40. Les salariés ont évacué vers un endroit sécurisé pour un exercice de comptage. Ceux qui n’étaient pas impactés par l’exercice sont retournés à leur poste. La cellule de crise, appelée « centre opérationnel départemental », était basée à la mairie de Lanester, sous le commandement du sous-préfet de Lorient, pour gérer l’ensemble des moyens de sécurité et de secours.

Au total, 200 personnes ont été impliquées dans l’exercice, dont une cinquantaine de salariés du site, les autres participants représentait les sapeurs-pompiers, la Police, la municipalité, la préfecture, la sécurité civile, le Smur, des démineurs… L’exercice a pris fin à 13 h.

In fine, le preneur d’otage a été arrêté, les blessés transportés à l’hôpital et les otages libérés. « Le débriefing a permis de peaufiner l’ensemble du plan d’action que nous mettons en place de manière permanente », ajoute Anne-Laure Delasalle.

Former n’est pas jouer

S’il est obligatoire pour les sites sensibles, beaucoup d’autres entreprises souhaitent former leurs salariés au risque attentat. Pour se rassurer d’une part, mais surtout pour avoir les bons réflexes en cas d’attaque ou d’intrusion et une culture du risque malveillant. Celle-ci devient aujourd’hui inévitable aussi bien dans le monde professionnel que personnel, à l’instar des risques incendie ou technologiques.

Organiser des exercices pour former son personnel nécessite de prendre certaines précautions. En premier lieu : informer les autorités de l’organisation de l’exercice. C’est ce qu’a appris à ses dépens le responsable sécurité du port de Calais. Le 30 septembre 2016, un employé du port aperçoit une femme se faire remettre des armes à la grille d’entrée puis se diriger vers les quais d’embarquement des ferrys. Il donne l’alerte. Une patrouille de CRS intervient, armes à la main, pour arrêter la femme avant de s’apercevoir qu’il s’agit d’un exercice Alerte Attentat organisé par les autorités du port. Personne n’avait été mis au courant de l’exercice, ce qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques.

Des consignes à suivre

Le ministère de l’Intérieur a publié une affiche ainsi qu’une vidéo sur les comportements à adopter en cas d’attaque terroriste. Avec trois consignes : s’échapper, se cacher, alerter. Cette affiche se décline en plusieurs versions selon le type d’établissements : centres commerciaux, écoles, établissements culturels, municipalités…

De plus en plus de centres de formation professionnelle proposent des stages sur les risques attentats en entreprise en se basant sur ces trois actions :

S’échapper

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  • savoir localiser le danger pour s’en éloigner ;

  • alerter les personnes qui souhaitent rentrer dans la zone de danger ;

  • ne jamais s’arrêter devant une porte, une fenêtre ou dans l’axe d’une sortie.

Jean-Sébastien Menand, responsable des formations opérationnelles sûreté à CNPP, livre d’autres conseils :

  • bien repérer les lieux, les sorties de secours, les différentes issues… Cela peut aller jusqu’à connaître le nombre de marches d’un escalier s’il faut les gravir ou les descendre en l’absence d’éclairage ou en présence de fumées, et savoir se repérer jusqu’à la sortie ;

  • ne pas se réfugier sur le lieu de rassemblement, trop visible, mais derrière un obstacle solide, seul ou en petits groupes (2 à 3 personnes maximum) pour éviter de se faire repérer ;

  • avant de passer devant une porte, écouter s’il y a des bruits et vérifier que la porte n’est pas piégée ;

  • en cas d’obscurité, raser les murs toujours avec la même main. L’autre main, en position élevée, doit servir à détecter un éventuel obstacle ;

  • Eviter de se retrouver tout seul.

Se cacher

S’il est impossible de s’échapper, en présence de terroristes à l’extérieur par exemple, il est recommandé de se cacher.

  • s’enfermer dans une pièce sécurisée et bloquer la porte avec un meuble ou tout autre objet qui fasse obstacle ;

  • éteindre la lumière et mettre son portable en mode silencieux ;

  • s’éloigner des ouvertures et s’allonger sur le sol.

Alerter

Une fois dans une zone sécurisée, donner l’alerte en appelant les services de police (112 ou 17). Lorsque les forces de police arrivent sur les lieux, il est recommandé de ne pas se précipiter vers elles au risque d’être pris pour des terroristes. Il convient de faire des gestes lents et d’avancer les mains levées. Si les réflexes développés lors de ce type de stage ne sont pas toujours utilisés dans la vie professionnelle, ils peuvent l’être dans la vie privée. Pour les entreprises et les apprenants, ils permettront de faire ressortir des dysfonctionnements qui pourront se révéler intéressants pour la gestion d’autres risques.

LES GESTES DE PREMIERS SECOURS

En plus des trois consignes du ministère de l’Intérieur – s’échapper, se cacher, alerter – les autorités ainsi que les forces de secours recommandent de connaître les gestes de premiers secours afin d’intervenir sur des personnes blessées en attendant l’arrivée des secours. Des gestes simples qui peuvent permettre de sauver des vies : pose d’un garrot, mise en position latérale de sécurité, massages cardiaques…

Les comportements qui sauvent ont été reconnus grande cause nationale en 2016 dans le but de former le plus grand nombre de personnes aux gestes de premiers secours.

Valérie Dobigny
Journaliste

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