“On part d’une situation avec une sinistralité préoccupante” : une nouvelle norme sur la sécurité incendie dans les centres de tri
Face au nombre important de sinistres dans le secteur des déchets, industriels, assureurs et pouvoirs publics ont élaboré une norme visant à réduire le nombre d’incendies touchant les centres de tri. Sylvain Muraille, ingénieur prévention et référent technique du secteur des déchets chez AXA XL, a participé à l’élaboration de cette norme. Entretien.
Le secteur des déchets est, en France, un des plus accidentogènes. Des incendies touchent régulièrement des centres de tri, comme ce fut encore le cas dans le centre du Syctom, dans le 17ème arrondissement de Paris, le 7 avril 2025. Le secteur est tellement à risque que les industriels ont de plus en plus de mal à trouver des assureurs acceptant de les couvrir. C’est avec l’espoir de réduire la sinistralité qu’une norme, intitulée “Sécurité incendie dans les centres de tri de collecte sélective XP P92-990”, a été produite. Des représentants du secteur des centres de tri, des experts en détection et extinction d’incendie, des représentants des pouvoirs publics ainsi que des représentants des assureurs ont entre autres participé à l’élaboration de ce texte. Sylvain Muraille est ingénieur prévention, référent technique du secteur des déchets, chez Axa XL. Il a travaillé sur la production de cette norme, et a accepté de répondre aux questions de Face au Risque.
Qu’est-ce qui a motivé la production de cette norme ?
On part d’une situation avec une sinistralité préoccupante. Il y a un besoin particulier en ce qui concerne les centres de tri. Il y a eu un certain nombre d’événements, et aujourd’hui, les sinistres coûtent de plus en plus cher. Il y a 15 ans, on avait déjà une sinistralité importante, mais avec des centres de tri à valeur limitée. Aujourd’hui, on a des centres de plus en plus performants, avec des trieurs optiques en grande quantité, et par conséquent avec une valeur assurée importante. Cela devient donc un problème pour les assureurs de faire face à autant de sinistres de cette ampleur. Le nombre important de sinistres dans le secteur est également un sujet pour les pouvoirs publics. Tout le monde s’est donc demandé comment réduire cette sinistralité, que ce soient les assureurs, les industriels ou les pouvoirs publics. Avec l’application de cette norme et d’autres documents, on espère une amélioration dans les années à venir.
Cette norme est-elle d’application volontaire ou obligatoire ?
Pour l’instant, cette norme est d’application volontaire. Il s’agit d’un guide de bonnes pratiques. L’objectif est que les gens souhaitant construire un centre de tri puissent avoir un guide de référence. La cible principale est donc les centres de tri neufs, mais cela n’empêche pas que, sur des sites existants, on puisse utiliser des parties de cette norme pour améliorer la sécurité incendie.
L’application de cette norme est-elle prise en compte par les assureurs ?
Chaque assureur est libre de sa souscription. Les assureurs prennent surtout en compte la qualité du risque, pas nécessairement en se basant sur cette norme. Cela signifie qu’un client qui respecte point par point cette norme devrait avoir une bonne note à la fin. On n’est donc pas vraiment sur un critère de conformité à cette norme, mais sur des éléments qui, mis bout à bout, répondent en grande partie aux demandes des assureurs, notamment en matière de compartimentage, détection et protection. Ce qui fait vraiment la différence, c’est la protection sprinkleur.
Les investissements nécessaires à l’application de cette norme ne sont-ils pas un frein pour les industriels ?
En effet, ça peut l’être. On parle d’investissements importants. Dans certains cas, les sites appartiennent aux collectivités, ce qui peut complexifier les investissements. En effet, les industriels qui exploitent ces sites ne peuvent pas toujours investir en fonds propres, il faut donc également convaincre la collectivité.
Pouvez-vous résumer, dans les grandes lignes, ce que contient cette norme ?
Les grands chapitres de la norme sont les suivants :
- Conception et compartimentage. Il s’agit, dans la conception, de ne pas utiliser de matériaux combustibles, pour l’isolation des bâtiments par exemple. Pour le compartimentage, on parle de compartimenter la zone de stockage amont et le process, ainsi que la zone de stockage aval, avec un compartimentage coupe feu deux heures
- protection incendie. Il s’agit de mettre en place un système de protection complet du bâtiment. En général, il s’agit d’une protection sprinkleur, avec en complément des systèmes de déluge ponctuels
- détection incendie. En centre de tri, il y a beaucoup de poussière, qui peuvent pousser certains systèmes à leur limite. La norme permet ainsi de définir les systèmes reconnus compatibles avec l’installation dans un centre de tri
- exploitation et maintenance. Car une fois que les systèmes sont installés, il faut les faire vivre dans le temps.
Vous êtes-vous inspiré de pays étrangers pour cette norme ?
Sur la partie technique, on a regardé ce qu’il se fait à l’étranger. Par exemple au Royaume-Uni, il y a des éléments sur les sprinkleurs dont on s’est inspirés. En revanche, il n’y a pas de norme équivalente à l’étranger. Il n’existe pas de document technique comparable à cette norme. Cependant, on a pu s’inspirer de certaines réglementations. Mais surtout de la connaissance des personnes autour de la table lors de l’élaboration de la norme : des installateurs, des fournisseurs de matériels, des personnes connaissant bien les sites de centre de tri, etc.
En savoir plus
Retrouvez la norme dans son intégralité (payante) en cliquant ici.

Camille Hostin – Journaliste
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