Quelle responsabilité de l’employeur en cas de chute d’un salarié lors d’une circulation en hauteur ?
Dans une décision du 9 janvier 2025 portant sur une chute de hauteur, la Cour de cassation rappelle que, si l’employeur est concomitamment défaillant en tout ou partie quant à son obligation de prévention du risque professionnel, sa faute sera caractérisée nonobstant le comportement du salarié.

Monsieur K. a été victime d’une chute en cherchant à accéder à une terrasse où des travaux étaient effectués. Cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle. Il a saisi ensuite la juridiction compétente d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Débouté de ses prétentions, le salarié saisit ensuite jusqu’à la Cour de cassation, qui décide ici que :
« (…)
4. Il résulte de ces textes que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
5. Pour débouter la victime de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, l’arrêt retient que, n’ayant pu accéder de l’ intérieur à la terrasse de l’appartement sur laquelle elle devait effectuer des travaux d’étanchéité, la victime a décidé de sa propre initiative de passer par l’extérieur de l’immeuble et d’utiliser l’échelle de la copropriété, dont les caractéristiques impropres à un tel usage se sont révélées à l’origine directe de sa chute. Il en déduit qu’il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir anticipé un tel comportement, intrinsèquement dangereux, et de ne pas avoir, en conséquence, fourni à son salarié le matériel adapté à un travail en hauteur.
6. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs établi pour le bâtiment ne prévoyait pas les modalités d’accès aux terrasses et les mesures de sécurité propres à garantir la sécurité de ces derniers contre les risques découlant d’une circulation en hauteur, infraction pour laquelle l’employeur avait été condamné pénalement, ce dont il résultait qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la victime du danger de chute de grande hauteur dont il ne pouvait pas ne pas avoir conscience, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
(…). »
Partant, la décision critiquée par le salarié est cassée.
« Le plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs établi pour le bâtiment ne prévoyait pas les modalités d’accès aux terrasses et les mesures de sécurité propres à garantir la sécurité de ces derniers contre les risques découlant d’une circulation en hauteur. »
Cour de cassation, 9 janvier 2025.
Défaillance concomitante de l’employeur
En résumé, l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur vis à vis de ses salariés permet à ces derniers l’allocation d’un forfait AT-MP en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, puis l’obtention d’un complément d’indemnisation en cas de faute inexcusable de l’employeur s’il est prouvé un défaut de prévention d’un risque prévisible. On ajoutera que des textes spécifiques à la prévention de certains risques existent, notamment en cas de travaux en hauteur.
En écho, on observera que les cas où un employeur peut voir sa responsabilité écartée sont assez peu nombreux. On citera, à ce titre, le cas de force majeure compte tenu de son imprévisibilité, l’absence d’éléments factuels pour connaître des circonstances de l’accident (soit, un problème probatoire) ou encore la faute de la victime dans certaines conditions. En l’espèce, le salarié a pris l’initiative de monter par l’échelle de copropriété, extérieure au bâtiment, pour accéder à l’intérieur d’une terrasse pour y travailler, alors que ce n’était pas un passage sécurisé. C’est pourquoi l’employeur a argué de la faute de la victime pour chercher à faire écarter sa propre responsabilité.
Pour autant, en application d’une jurisprudence constante en la matière, la faute du salarié dans la survenue d’un accident permet d’exonérer l’employeur de sa responsabilité uniquement si cette faute en est la cause exclusive et déterminante. En effet, si l’employeur est concomitamment défaillant en tout ou partie quant à son obligation de prévention du risque professionnel, sa faute sera caractérisée nonobstant le comportement du salarié.
Ainsi, ici, le plan particulier de sécurité et de protection établi pour le bâtiment en travaux ne prévoyait pas les modalités d’accès aux terrasses. On rappellera que ce document est requis lorsqu’un chantier expose les travailleurs à certains risques spécifiques, comme celui de chute en hauteur. L’employeur ne pouvait dès lors pas se retrancher derrière le comportement dangereux pour lui-même du salarié pour tenter de dégager sa responsabilité.
C’est donc sans surprise que la Haute Juridiction considère que les magistrats précédemment saisis ne pouvaient pas écarter sa faute comme ils l’ont pourtant fait et casse en conséquence la décision critiquée à juste titre par le salarié blessé.
Article extrait du n° 608 de Face au Risque : « Vidéosurveillance algorithmique » (juillet-août 2025).

Virginie Perinetti
Avocate au Barreau de Paris depuis 2004
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