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Vidéoprotection : quels usages de l’IA ?
L’Association nationale de la vidéoprotection (AN2V) travaille depuis 2020 sur le sujet de l’intelligence artificielle. Elle a recensé plus de 200 usages de l’IA pour la vidéoprotection.
204, c’est le nombre d’usages de l’IA pour la vidéoprotection sur lequel s’est arrêté le groupe de travail IA de l’AN2V. Lancé en 2020, ce groupe de travail a dénombré et décrit les différents cas d’usages dans lesquels l’IA pourrait être utilisée (voir illustration ci-dessous), réfléchi sur leur faisabilité, leur utilité et trié les usages selon les segments de marché (collectivités, transports publics, sites sensibles, logistique, retail…).
« Il y a un raccourci entre IA et reconnaissance faciale, mais l’IA c’est aussi la détection d’un départ de feu, d’une personne au sol, d’un mouvement de foule, explique Dominique Legrand, président et fondateur de l’AN2V. Et il ne faut pas oublier que la reconnaissance faciale marque les esprits alors qu’elle n’est pas interdite en France. On l’utilise tous les jours avec le smartphone. Et ça ne pose pas de problème parce qu’il y a eu consentement de l’utilisateur qui a autorisé la reconnaissance faciale sur son téléphone. »
Trois espaces juridiques
Pour rappel, concernant la vidéoprotection et l’usage d’un traitement algorithmique, il y a trois espaces juridiques distincts.
L’espace public | les espaces privés ouverts au public | les espaces privés |
---|---|---|
Par exemple la rue Victor Hugo à Montluçon | Un buraliste, une pharmacie, un centre commercial, un magasin, un hôpital… | Une centrale nucléaire, un site sensible, une entreprise… |
Dans ces deux espaces, il est interdit d’ajouter un traitement algorithmique à vocation de sécurité en temps réel dans une caméra, puisqu’il est impossible d’avoir le consentement de toutes les personnes libres de circuler dans ces espaces. Il faut par ailleurs une autorisation préfectorale pour la vidéoprotection. | Les traitements algorithmiques sont autorisés dès lors qu’il y a un enjeu de sécurité, le consentement du salarié, du sous-traitant, du visiteur et l’accord du DPO (délégué à la protection des données). | |
Les algorithmes qui permettent de faire des statistiques ou du comptage anonymisé sont autorisés. Cela peut par exemple aider la gestion de la ville, les flux de circulation… La bonne utilisation des voies de covoiturage sur le périphérique parisien se fait aujourd’hui grâce à des algorithmes dans les caméras. C’est autorisé car cela concerne le code de la route. Ce n’est pas de la sécurité au sens du code de la sécurité intérieure. |
La reconnaissance faciale peut ainsi être utilisée pour sécuriser le cœur d’une centrale nucléaire ou venir renforcer un contrôle d’accès (par exemple pour comparer la photo d’un badge et le visage de la personne présente dans le tourniquet). L’IA peut aussi permettre de détecter, sur des sites sensibles, des camions qui roulent trop vite, en sens interdit… |
La loi JO
La loi du 19 mai 2023 relative aux JOP de Paris 2024 autorisait, dans le cadre d’une expérimentation, l’utilisation de traitements algorithmiques pour huit cas d’usages. L’expérimentation a pris fin le 31 mars 2025, et le gouvernement travaille sur un projet de loi pour une nouvelle expérimentation lors des JO 2030.
« Si la loi JO a accéléré les choses, elle a néanmoins été très restrictive dans l’espace, dans le temps et sur les usages. Et la notion même de grand événement pour faire des tests d’IA est une fausse bonne idée. Puisque le grand événement est ultra sécurisé, la détection précoce grâce à l’IA n’a pas de sens », remarque Dominique Legrand. Il espérait tout de même une pérennisation rapide de la loi.
« Mais on fait face à la lenteur du processus législatif alors que des sociétés sont en difficulté. On a des pépites souveraines, des start-up françaises qui sont en train de déposer le bilan et qui ne peuvent pas attendre 2031 après la deuxième expérimentation JO », prévient-il.
Avancer sur les 204 usages
Pour avancer, l’AN2V a donc recruté un avocat spécialisé et a trié les 204 usages recensés en trois colonnes :
Ce qui est autorisé aujourd’hui, à droit constant | Ce qui pourrait être autorisé, « simplement », par décret | Ce qui nécessite une proposition de loi |
---|---|---|
Par exemple, détecter s’il pleut avec une caméra. C’est un algorithme qui travaille H24 sur une caméra dans l’espace public, mais on est en dehors de la sécurité, on est dans la smart city, le durable… L’objectif de l’AN2V est de communiquer sur ces usages autorisés, que ce soit dans le public ou le privé. « On a tellement entendu que c’était interdit que, sur les sites privés, ils s’interdisent tout et pas seulement la reconnaissance faciale. » |
La traçabilité est, pour Dominique Legrand, l’enjeu numéro un. À l’instar des caméras piétons, la lecture automatique des plaques d’immatriculation pourrait être utilisée par les polices municipales. « C’est insensé de faire des alertes enlèvement à la télévision avec la plaque d’immatriculation du véhicule alors qu’il y a près de 100 000 caméras dans les espaces publics en France, qui pourraient être équipées très facilement du logiciel OCR qui permet de reconnaître les caractères des plaques. » « Des choses sont dans le viseur et pourraient voir le jour avant fin 2025, peut-être même cet été », confie-t-il. L’AN2V travaille sur le sujet avec la Depsa du ministère de l’Intérieur. |
« Des choses aussi évidentes que de la détection incendie H24 365 jour/an, par exemple, sur toutes les caméras dans les espaces publics et les espaces privés ouverts en public, me semblent défendables et audibles », illustre Dominique Legrand. L’AN2V travaille, avec un collectif rassemblant l’Anitec, le GES, la FFSP et l’ACN, sur la rédaction d’une proposition de loi. |
Entraîner l’IA
En attendant que la législation évolue, les start-ups cherchent des niches et ne se déploient pas aussi vite que prévu. « Elles travaillent dans le secteur privé d’une part et sur les statistiques autorisées d’autre part, ou hors code de la sécurité intérieure (CSI). Mais c’est une voie de garage pour l’instant », déplore Dominique Legrand.
L’AN2V veut agir tout de suite et a déjà prévu une série de rendez-vous avec les différents services des ministères concernés. « On n’a pas besoin de regarder pendant cinq ans si ça va marcher ou pas, nous ne sommes objectivement plus du tout dans un besoin d’expérimentation ! Il est urgent de passer des huit usages JO à 20, 30, 50 usages réels et utiles : sens interdit, circulation urbaine… et détection d’armes longues, d’armes blanches, de rixes… L’IA est un phénomène qui se passe à l’échelle mondiale. Le monde va hyper vite et nous, on va discuter du fait qu’il est interdit de détecter une arme dans un magasin ou dans la rue, à nouveau pendant cinq ans », conclut Dominique Legrand.
Article extrait du n° 608 de Face au Risque : « Vidéosurveillance algorithmique » (juillet-août 2025).

Gaëlle Carcaly – Journaliste
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