Sécurité des procédés : allier transmission et transition énergétique

24 octobre 20238 min

Le « Forum Sécurité des Procédés » s’est tenu au début de l’été. Cet événement 100 % francophone, sur fond de transition énergétique, était l’occasion pour les industriels de la chimie, du monde pharmaceutique ou des cosmétiques de faire part de leurs retours d’expérience et d’échanger leurs bonnes pratiques.

Crédit: Eitel Mabouong/Face au Risque

Le Forum

Dekra Process Safety organisait le 15 juin 2023 le premier « Forum Sécurité des Procédés » à Lyon (Rhône). L’occasion pour les experts de la filière, issus de différentes industries (chimie, pharmacie, cosmétiques…), de partager leurs connaissances à travers des retours d’expérience variés, les procédés n’étant pas les mêmes d’une industrie à une autre.

Des responsables sécurité des procédés de grands groupes tels que Sanofi, Air Liquide ou Arkema ont ainsi pu transmettre leur savoir-faire à une assemblée de 80 participants.

Des ateliers à taille humaine et participatifs (échanges entre les experts et le public sur les bonnes pratiques pouvant être mises en place au quotidien) ont rythmé la journée. Une table ronde sur « l’impact de la transition énergétique sur la sécurité des procédés » est venue conclure cette journée.

La sécurité des procédés, une expertise difficile à évaluer

« C’est difficile d’évaluer la qualité de notre travail car nous recherchons le zéro. L’objectif est qu’il ne se passe rien ». C’est à travers ces mots que Luc Véchot, professeur associé et directeur général Mary Kay O’Connor et Texas A&M University, a conclu la présentation d’ouverture de cette journée. L’objectif des métiers liés à la sécurité des procédés étant d’empêcher qu’un événement ait lieu (fuite de gaz, explosion…), le véritable apport de ces professionnels est de mettre en place des outils qui permettront que l’objectif zéro soit atteint au quotidien. La part humaine est importante dans cette recherche d’objectif zéro.

« Au sein d’une entreprise, il faut faire comprendre aux dirigeants qu’un accident industriel n’est pas lié à un événement exceptionnel mais à une simultanéité d’événements », confie par la suite un intervenant lors d’un atelier, en insistant sur l’importance de l’organisation humaine en interne pour éviter qu’un événement se produise. « En supposant que dans un grand groupe il y ait un responsable par atelier, le responsable a-t-il déjà connaissance du fait qu’il est le responsable et de ses responsabilités ? », poursuit l’intéressé.

Le Barpi, recenseur des catastrophes industrielles majeures

Les conséquences d’un manquement peuvent être importantes. Elles peuvent potentiellement déboucher sur une catastrophe industrielle ou technologique dont le coût financier peut très rapidement atteindre plusieurs millions d’euros. Un montant qui ne prend pas en compte le préjudice en termes d’image que l’entreprise subit inéluctablement dans ce cas de figure.

« Si les dégâts sont supérieurs à 2 millions d’euros, nous les classons comme “événements significatifs majeurs dangereux” », précise l’un des interlocuteurs du Barpi (Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels).

Créé en 1992 à Lyon et rattaché au ministère de la Transition écologique, le Barpi rassemble, analyse et diffuse les informations et le retour d’expérience en matière d’accidents industriels et technologiques sur la base de données Aria. En 31 ans d’existence, plus de 50 000 accidents sont recensés.

Les catastrophes industrielles et technologiques ne sont pas une fatalité. Avec ces nombreux retours d’expérience analysés par le Barpi, elles pourraient être évitées. À condition toutefois que les moyens humains, financiers et technologiques soient mis en oeuvre au sein de chaque entreprise. « La sécurité a une valeur », ont martelé les deux représentants du Barpi. Ils ont toutefois relevé que, globalement, « le niveau des exploitants sur la gestion de crise s’améliore ».

Les participants ont salué la qualité des échanges et expertises partagées. Ces retours positifs nous motivent ! Nous avons l’intention d’organiser un nouveau forum dans deux ans.

Joseph-Marc François
Directeur général de Dekra Process Safety

L’importance du transfert des compétences

Il existe néanmoins quelques failles potentielles au sein des entreprises, notamment lors des renouvellements d’effectif. Au moment du départ d’un responsable de la sécurité des procédés, il n’est pas rare de déplorer un manque dans le transfert des compétences.

Assurer la continuité en matière de compétences lors du passage de témoin entre deux collaborateurs reste une priorité pour chaque groupe industriel afin d’éviter un éventuel « effet Dunning-Kruger ». Autrement dit, dans ce cas de figure, l’objectif sera d’éviter que le nouveau responsable de la sécurité des procédés – par manque de connaissances sur son nouvel environnement ou par excès de confiance – mette en place des méthodes qui ne correspondent pas aux spécificités propres à sa nouvelle entité professionnelle.

La boîte à outils de Sanofi

Le responsable sécurité des procédés de Sanofi a partagé, lors du Forum, la manière dont avait été coordonnée la nouvelle boîte à outils du groupe. Entre son arrivée chez Sanofi et la finalisation de cette boîte à outils, près de quatre années ont été nécessaires. Sa devise : « Ce que vous n’écrivez pas n’existe pas ».

Sur la forme, ce groupe international employant 100 000 personnes a ainsi mis en place un logiciel interne permettant à chaque salarié d’avoir accès aux risques de son site. Au regard de la taille du groupe et des différents métiers, il est évident que tous les salariés ne sont pas exposés aux mêmes risques.

Ce logiciel, uniquement consultable par les employés du groupe, a été traduit en plusieurs langues (français, anglais, allemand, arabe, espagnol) et applique les mêmes codes aux quatre coins de la planète. Un salarié en Amérique du Sud et parlant espagnol dans son environnement professionnel quotidien est ainsi capable de comprendre l’intégralité des codes couleurs en place sur un site Sanofi travaillant en langue allemande en Europe… Ou encore que la lettre « A » signifie « Atex » (Atmosphère explosive) et comprend instantanément les risques que cela implique.

Par ailleurs, l’ensemble des instructions et des vidéos explicatives ont été traduites dans ces mêmes langues.

Avant que cet instrument ne soit mis en place, les procédures sur la sécurité des procédés chez Sanofi pouvaient – comme dans beaucoup de grands groupes industriels – varier d’un site à un autre, d’un pays à un autre, d’un continent à un autre… Dans ce besoin d’homogénéisation générale, le nombre de prestataires externes a été considérablement réduit, passant de 42 entreprises à 5 entre 2018 et 2023.

La finalité de ces démarches étant d’assurer la transmission de la qualité de l’expertise technique au sein du groupe.

La transition énergétique, nouvel enjeu pour la sécurité des procédés

Comme le précisait le professeur Luc Véchot en introduction de cette journée, à chaque rentrée scolaire quasiment aucun de ses élèves ne sait ce qu’est la sécurité des procédés ni l’importance que cette discipline revêt au quotidien dans le secteur industriel. Chaque année, il a ainsi la responsabilité de « faire naître des vocations » afin que l’avenir de la filière des responsables sécurité des procédés soit assuré.

Reste cependant que de nouvelles problématiques s’ajouteront inexorablement pour les responsables sécurité des procédés de demain. À commencer par la transition énergétique, à laquelle le secteur industriel – sous toutes ses formes – ne pourra échapper.

« Avec la transition énergétique, des marchés se ferment et d’autres s’ouvrent. Le déploiement de ces nouvelles énergies devra s’accompagner de formations. Il faut requalifier toute la chaîne de production. Il y aura également un besoin de garanties sur les compétences des sous-traitants, alerte un responsable du groupe Engie. Il faudra penser à une nouvelle organisation de secours sur ces nouvelles énergies ».

En matière de sécurité des procédés, il est dès à présent nécessaire d’apprendre à gérer des situations en mode dégradé avec les risques de coupure d’électricité. Ou encore de composer avec les risques de sécheresse pour les industries nécessitant un apport considérable en eau. « Nous avons dû revoir des procédés avec le risque de sécheresse », confie un intervenant, qui précise au passage que son entreprise a ainsi pu économiser 30 % de sa consommation en eau.

En attendant demain, d’autres risques persistent encore aujourd’hui. « Nous faisons la chasse aux montres connectées en zone Atex, reprend le responsable de chez Engie. Les gens ont pris le réflexe pour les smartphones, mais pas encore sur certains objets connectés qui font désormais partie de leur quotidien ». La question est désormais de savoir si de nouvelles problématiques et de nouvelles bonnes pratiques auront vu le jour d’ici la prochaine édition du « Forum Sécurité des Procédés », qui pourrait donc se tenir en 2025.


Article extrait du n° 596 de Face au Risque : « Plan de continuité d’activité : mode d’emploi » (octobre 2023).

Eitel Mabouong – Journaliste

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