Il y a 35 ans, le naufrage du chalutier Snekkar Arctic (vidéo)

21 février 20214 min

Le 21 février 1986, le chalutier Snekkar Arctic fait naufrage au large des côtes écossaises avec à son bord 26 marins-pêcheurs expérimentés. En cause, un défaut de conception du bateau. Le drame fait 18 victimes.

Article extrait du n°569 de Face au Risque :  « Mesures post-Lubrizol, quel impact sur l’industrie ? » (février 2021).

Parti de Dieppe (Seine-Maritime) le 12 février 1986, le chalutier Snekkar Arctic rejoint sa zone de pêche au large des îles Shetland (Ecosse), à environ 540 km des côtes. Vingt-six marins confirmés sont à bord de ce navire-usine ultra-moderne de 50 mètres de long. Il a été construit l’année précédente par les Ateliers et Chantiers de la Manche (ACM). Il est exploité par l’armateur Leveau & Le Garrec.

Le drame arrive en pleine nuit

Dans la nuit du 21 au 22 février, « la météo n’est pas bonne mais ce n’est pas la tempête », écrit alors l’hebdomadaire Le Marin.

Le tableau électrique prend feu, cependant les mécaniciens isolent rapidement l’incendie. « Ils commençaient juste à remettre en pêche (…) quand, au bout de 10 minutes, ils n’ont plus eu à nouveau de courant électrique et nous n’avons plus pu communiquer », poursuit l’hebdomadaire. Il rapporte ainsi les propos du commandant du Dogger Bank, un autre chalutier pêchant sur la zone, avec lequel communiquait le capitaine du Snekkar Arctic.

A 1 h 15 le 22 février, une importante quantité d’eau est constatée dans l’entrepont usine.

A 1 h 28, le chalutier gîte rapidement sur tribord. Mais la plupart des marins-pêcheurs, dont certains dormaient, n’ont pas le temps d’enfiler leur combinaison de survie.

Le Snekkar Arctic coule en moins de 15 minutes.

Trois heures après, le Dogger Bank arrive sur les lieux et parvient à secourir neuf marins. Les dix-sept autres, dont le capitaine, se sont noyés dans l’eau glacée.

L’un des hommes du Dogger Bank va lui aussi perdre la vie en tentant de sauver un marin. Ceci porte à dix-huit le nombre de morts. Cet homme sera fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

Les combinaisons de survie

« Les rescapés sont unanimes : leurs camarades auraient pu être sauvés s’ils avaient su comment enfiler leur combinaison de survie », relate Le Marin.

En effet, certains marins expliquent qu’ils n’avaient jamais essayé ces combinaisons : « Nous ne les avions même jamais dépliées. » Mettre un tel équipement demande une certaine dextérité, alors dans la panique et avec l’eau qui monte…

Ces combinaisons permettent non seulement de flotter mais elles protègent également du froid. Tous les marins qui l’avaient revêtue ont été secourus, sauf un qui a été emporté par une lame.

Un navire mal équilibré ?

Pour l’Association des familles du Snekkar Arctic (Afsa) qui s’est créée peu après le drame, le naufrage est dû à une erreur de conception. A l’origine, le chalutier devait mesurer 80 m de long. Les concepteurs l’ont réduit à 49,95 m. La raison : ne pas dépasser les 50 m, taille maximum nécessaire à l’obtention de la licence de pêche dans les mers canadiennes. Mais les concepteurs ont gardé un même volume de cales à poissons et un même poids de machines de l’usine. Pour l’Afsa, cette disproportion présentait un véritable danger et a entraîné le déséquilibre du navire.

En revanche, pour l’armateur, le constructeur, les Affaires maritimes et le bureau Veritas chargé d’expertiser le bateau, le naufrage est dû à des erreurs de l’équipage.

Le rapport d’expertise technique

Conclu en 1988, le rapport d’expertise indique une accumulation d’incidents :

  • tableau électrique principal non protégé de l’eau ;
  • système d’assèchement défaillant de l’usine ;
  • entrées d’eau anormales dans les vide-déchets (trappes par lesquelles sont évacués les déchets de poissons) ;
  • absence d’essai de l’usine dans des conditions réelles de fonctionnement.

Une longue procédure judiciaire

Après huit ans d’enquêtes, en octobre 1993, le tribunal de Dieppe prononce la relaxe pour les trois prévenus : le directeur des ACM, l’administrateur des Affaires maritimes de Dieppe et le directeur du bureau Veritas de Rouen.

Puis, la cour d’appel de Rouen reconnaît, le 15 mai 1995, des fautes de conception du navire qui a conduit à son déséquilibre.

Mais le 20 août 1996, les magistrats de la Cour de cassation cassent l’arrêt pour vice de procédure.

Finalement, après 14 passages devant la justice et 23 ans de procédures, l’Afsa gagne en appel à Paris en octobre 2008. La cour lui donne raison sur tous les points. Elle réhabilite ainsi le capitaine et l’équipage sur lesquels la faute avait été préalablement rejetée.

Martine POREZ

Martine Porez
Journaliste

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