Il y a 55 ans : Bleve à la raffinerie de Feyzin

4 janvier 20216 min

Le 4 janvier 1966, plusieurs explosions se produisent à la raffinerie de Feyzin (Rhône) dans les stockages de GPL.
Bilan : 18 morts, dont 11 pompiers, et 84 blessés.

Une raffinerie flambant neuve

La raffinerie de Feyzin (Rhône), inaugurée en 1964, est alors l’une des plus modernes d’Europe. Elle appartient à l’entreprise publique Union Générale des Pétroles (UGP) qui devient Elf en 1967.  En 2000, le groupe Total acquiert Elf et devient propriétaire de la raffinerie, ce qu’il est toujours aujourd’hui.

Dans son analyse de l’accident, le Barpi décrit avec précision l’installation de stockage au moment du sinistre. Celle-ci comprend quatre sphères de propane de 1 200 m3, quatre autres de butane de 2 000 m3 et deux réservoirs cylindriques horizontaux de propane et de butane. Ces réservoirs sont situés à 450 m de la raffinerie et à environ 300 m des premières habitations.

Du gaz s’échappe d’un réservoir

À la suite d’un problème technique, un échantillonnage doit être effectué très tôt le 4 janvier 1966 dans l’une des huit sphères de GPL. Pendant l’opération de prélèvement des échantillons, l’un des opérateurs commet une erreur en ne respectant pas l’ordre d’ouverture des vannes. Il s’ensuit, à 6h40, un jaillissement de propane. La vanne amont ne peut être refermée. Le gaz se répand à l’extérieur et forme un nuage d’environ 1 m de haut qui se dirige vers l’autoroute voisine.

L’alerte est donnée et l’autoroute fermée.

Le nuage de gaz s’enflamme

Cependant, à 7h15, une voiture ayant échappé au contrôle s’arrête à 160 m environ de la sphère. Ceci déclenche un point chaud qui enflamme le nuage de gaz puis atteint la sphère qui prend feu.

Les pompiers de la raffinerie tentent d’éteindre l’incendie. Ils sont rapidement épaulés par les secours externes qui arrivent d’abord de Lyon vers 7h30, puis de Vienne.

Ils s’attachent à refroidir les sphères voisines, la sphère en feu n’étant plus accessible à cause de la chaleur.

Les explosions

Mais tout à coup, à 8h45, la sphère explose et une boule de feu s’élève à plus de 400 m de hauteur. L’ordre est donné d’évacuer la zone. Le feu atteint quatre bacs de pétroles et un réservoir de carburant.

Puis c’est une autre sphère de propane qui explose et trois autres contenant du butane qui se déchirent sans exploser.

D’importants moyens arrivent en renfort. Ce n’est que dans la soirée du 5 janvier que l’alerte est levée.

Bilans humain et matériel

18 personnes trouvent la mort dans cet accident dont 11 pompiers. 84 personnes sont blessées dont 49 sont hospitalisées. Parmi ces dernières, 42 ont un arrêt de travail supérieur à 3 mois. Le souffle de l’explosion était tel que les pompiers se trouvant à moins de 150 m de la sphère sont morts ou gravement brûlés.

Les dégâts matériels sont très importants. 11 réservoirs sont détruits avec au total plus de 4 500 tonnes d’hydrocarbures liquides. Notons également que 6 camions de lutte contre l’incendie ont brûlé.

Des fragments des deux sphères qui ont explosé sont retrouvés à plus de 800 m, certains de 80 tonnes ont été projetés à 250 m. Des toitures situées à 2,2 km ont été endommagées et des vitres cassées à plus de 8 km.

Le phénomène de Bleve

Les deux explosions sont des Bleve (Boiling Liquid Expanding Vapour Explosion, ou Vaporisation explosive d’un liquide porté à ébullition). Ce phénomène est défini comme étant « la vaporisation violente à caractère explosif consécutive à la rupture d’un réservoir contenant un liquide à une température significativement supérieure à sa température d’ébullition à la pression atmosphérique ».

Il n’est pas nécessaire que le liquide soit inflammable pour parler de Bleve, mais cela aggrave le danger en formant une boule de feu au contact de l’air, comme à Feyzin. Le rayonnement thermique et les projectiles peuvent ensuite propager l’incendie.

Cet accident aidera à la compréhension du phénomène alors mal connu des pompiers.

L’inspection des installations classées

Depuis la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, le contrôle de ces établissements était effectué par l’Inspection du travail.

A la suite de la catastrophe de Feyzin, c’est le service des Mines qui prend en charge l’inspection des installations classées. Depuis la création en 1971 du ministère de l’Environnement, cette compétence est transférée aux Drire (aujourd’hui Dreal).

Par ailleurs, l’accident de Feyzin a également été à l’origine d’une réforme de la réglementation technique applicable aux installations pétrolières avec l’arrêté ministériel de 1967. Parmi ses dispositions, on trouve l’imposition de distances à respecter entre ce type d’installation et les tiers extérieurs (ERP, habitations, routes…).

Le PPRT de la Vallée de la chimie

Ce n’est qu’après l’accident d’AZF de septembre 2001 que sont nés les plans de prévention des risques Technologiques (PPRT). C’est la loi du 30 juillet 2003, relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, qui les a institués.

Dans la Vallée de la chimie où se situe Feyzin, un PPRT, concernant 10 communes, avait été approuvé le 19 octobre 2016. Cependant, pour vice de procédure, le tribunal administratif de Lyon l’avait annulé en 2019, avec effet en janvier 2021. Mais le 4 décembre 2020, la cour d’appel a infirmé le jugement de première instance. « Tout vide juridique est évité. Le plan d’action peut se poursuivre, en particulier les travaux de renforcement des logements », se félicitait le préfet sur Twitter.

Mise en sécurité de 7 000 logements

Le dispositif Sécurinov va ainsi pouvoir être relancé. Financé conjointement par les industriels, l’Etat, la métropole et la région Auvergne-Rhône-Alpes, il permet de sécuriser 7 000 logements situés dans le périmètre du PPRT. Parmi ceux-ci, 2 000 concernent la ville de Feyzin, soit près de la moitié des habitations de la commune.

Notons que trois sites classés Seveso seuil haut sont installés sur la commune de Feyzin : Rhône Gaz, Serpol et Total Raffinage. La ville compte également un site Seveso seuil bas : Air Liquide Sogif.

«A Feyzin, seule commune où des maisons ont été construites si près des zones dangereuses, ces habitations situées en zone rouge seront rachetées par la métropole de Lyon et détruites», précise Lyon Entreprise, média économique de Lyon et de sa région. L’idée est de planter une forêt urbaine à la place des habitations démolies.

Martine POREZ

Martine Porez
Journaliste

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