Les commissions de sécurité, comment s’y préparer ?
Les établissements recevant du public (ERP) doivent se conformer à des règles en matière de protection des personnes et d’accessibilité. Leur respect est contrôlé par les commissions de sécurité lors de visites effectuées dans les établissements. Mais quelles sont les attentes de ces commissions ? Témoignages de responsables sécurité et d’un préventionniste.
Une « journée ERP » était organisée par CNPP le 6 février 2020 avec, au programme, le rôle et les attentes des commissions de sécurité. Avec le soutien de l’Apsighe (Association pour la promotion de la sécurité dans les immeubles de grande hauteur et les établissements recevant du public) et de l’Acses (Association des chargés de sécurité en établissements de soins), cette conférence avait pour vocation d’éclairer les responsables de la sécurité en ERP sur l’évolution des commissions.
En effet, avec les lois Elan et Essoc et l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 sur le « permis de faire », l’approche performancielle se développe. Et, avec elle, les attentes des commissions de sécurité évoluent.
Les commissions de sécurité, instances d’étude et de contrôle
Pierre Billault, consultant ERP à CNPP, expose les missions des commissions de sécurité. Celles-ci étudient les permis de construire et les demandes d’autorisation de travaux et contrôlent les ERP au travers de trois type de visites :
- la visite d’ouverture à l’achèvement des travaux ;
- la visite périodique de contrôle, qui a lieu tous les 3 à 5 ans ;
- les possibles visites inopinées. Elles peuvent être demandées par le maire en cas de manquements importants à la réglementation ou pendant des travaux par exemple.
Lors de ces visites, le registre de sécurité sera vérifié. Mais aussi les documents nécessaires à la réception des travaux, aux essais des moyens de secours et aux dispositifs facilitant l’intervention des sapeurs-pompiers.
Pierre Billault insiste sur le rôle d’assistance technique qu’ont les commissions auprès du maire (ou du préfet dans certains cas). « La commission donne un avis et seul le maire dispose de la décision finale. C’est lui qui accorde les permis de construire et les autorisations de travaux, qui ouvre les établissements et peut aussi les fermer », indique-t-il.
Autant dire que ces visites peuvent générer du stress dans les rangs des exploitants et de leurs responsables sécurité…
Préparer la visite de la commission : témoignages de responsables sécurité
Rodolphe Temple, chef de service sécurité du centre chirurgicale Marie Lannelongue et président de l’Apsighe, l’admet. « Nous avons toujours tendance à redouter un peu plus les commissions périodiques car nous ne savons pas du tout où le préventionniste va aller. En revanche, quand on réaménage complètement un service, on est plus sereins parce qu’on sait quel est l’objectif principal de la commission. »
Agnès Gateau, responsable du centre hospitalier de Troyes et présidente de l’Acses, effectue d’abord des pré-visites avec le pompier préventionniste. Et elle joue franc-jeu : « Je lui montre toutes mes problématiques. »
Lors des « vraies visites », elle confie qu’elle évite de ranger les locaux pour que la commission se rende compte des réelles contraintes liées à l’activité.
Le groupe Métro a la particularité d’avoir des établissements sur tout le territoire national et, par conséquent, de dépendre de différentes commissions de sécurité.
Marc Le Guen, responsable national sécurité et sûreté du groupe, affirme que cette situation « est une difficulté supplémentaire. Ce n’est pas la doctrine qui change d’un département à l’autre, c’est plutôt l’interprétation du préventionniste vis-à-vis de la réglementation. » Un peu comme Agnès Gateau, il organise des visites-flash quelques semaines avant la visite officielle, mais en interne. « Une sorte d’audit basé sur l’incendie. »
Du côté du préventionniste
« Les visites de sécurité sont faites pour effectuer un bilan du niveau de sécurité. Et pour faire en sorte que tout se passe bien lorsqu’un sinistre arrive ». C’est ce qu’affirme le commandant Didier Rémy de la FNSPF (Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France) et animateur commission prévention. « Il faut donner du sens à la visite », insiste-t-il. Ceci en échangeant sur les risques potentiels, en mettant en place des scénarios plausibles d’un sinistre puis en examinant la méthode que développe l’exploitant face à ce sinistre. Selon lui, la commission doit détecter si l’exploitant est capable de sauver ses salariés et le public en cas de sinistre ou de malaise cardiaque. « La visite est un moment privilégié pendant lequel il faut interroger l’exploitant et le personnel sur les questions fondamentales de sécurité. »
Le rôle de la commission est aussi d’aider l’exploitant, de le conseiller. Elle doit lui rendre service en expliquant les règles, en abordant les innovations récentes, martèle le préventionniste.
C’est seulement vers la fin de la visite que Didier Rémy vérifie qu’une analyse des risques a été réalisée. Et qu’il effectue les contrôles de la réglementation et des prescriptions. Et en conclusion, il annonce à l’exploitant les différentes mesures à prendre avec leurs échéances. Y compris les mesures compensatoires ou variantes de la réglementation. « Les commissions évoluent sur le côté performanciel avec une analyse de risque qui va devenir omniprésente. La compétence actuelle des acteurs doit monter en puissance », avance-t-il.
Il ajoute également à l’attention des responsables sécurité présents à la conférence : « Je préfère les visites inopinées sans votre présence. Ça m’arrive de faire une visite à 2h du matin dans une maison de retraite. Et là, je découvre la vraie vie… Et je peux aussi me rendre compte que ce que j’ai préconisé ne fonctionne pas. »
L’avis défavorable
« Dernièrement, j’ai eu un avis défavorable à la suite d’un changement de système de sécurité incendie, explique Marc Le Guen. Nous avions installé un SSI de catégorie B avec un SDI indépendant. La commission a donné un avis défavorable car elle voulait que nous installions un SSI de catégorie A. Je me suis déplacé et ai rencontré directement le chef de service du bureau de prévention pour faire valoir mon point de vue. Ce qui a finalement débouché sur un avis favorable. » Prendre le temps d’expliquer sa position est très utile, en conclut Marc Le Guen.
« Les objectifs à atteindre »
L’important, insiste Didier Rémy, « ce sont les objectifs à atteindre ».
Il ajoute qu’il est indispensable de présenter les documents à la commission. « En cas de non-présentation, l’analyse de risque est simple, c’est incompétence, et c’est un avis défavorable. »
Les responsabilités en cas de dommage
Et si malgré tout un sinistre arrive, le maître d’ouvrage, l’exploitant d’un ERP, voire le maire ou les autres acteurs peuvent être assignés devant une juridiction. La victime ou ses ayant droits peuvent engager la responsabilité civile et/ou pénale de l’auteur de l’infraction ou du dommage devant un tribunal civil. « Le juge se fait très vite une opinion sur le fait de savoir s’il y avait un sentiment de sécurité dans l’établissement », avertit Sébastien Samueli, directeur des relations publiques de CNPP.
La responsabilité pénale des personnes morales et des personnes physiques pourra être engagée en cas de non-respect des prescriptions de la commission de sécurité.
Obligation de résultat
« Rappelons que la sécurité incendie est avant tout une obligation de résultat, poursuit Sébastien Samueli. Le jugement en première instance, les arrêts d’appel et de cassation se fondent sur le résultat escompté. » C’est-à-dire sur la capacité à mettre en sécurité les occupants de l’établissement, à faire intervenir aisément les secours et à maintenir les équipements de sécurité en état de fonctionnement.
Obligation de moyens
La sécurité incendie est aussi une obligation de moyens. Notamment concernant la notion de manquement, à savoir le fait de ne pas respecter une prescription obligatoire de sécurité.
En résumé, pour prévenir tout risque civil ou pénal, l’exploitant doit mettre en place :
- une politique affirmée de prévention incendie ;
- des équipements de sécurité maintenus, fiables et pérennes (en état de marche au moment du sinistre) ;
- une attitude pro-active pour pallier le risque d’incompétence ;
- en cas de remarques de la commission de sécurité, des réponses circonstanciées ;
- une organisation et des moyens adaptés aux risques ;
- une présence immédiate sur les lieux de l’accident ;
- des mesures conservatoires et un plan de prévention adapté ;
- un niveau hiérarchique en fonction de la gravité de l’accident ;
- pour les salariés mis en examen, un soutien social et humain de la victime et des ayants droits.
La sécurité, une préoccupation quotidienne
Marc Le Guen tient à préciser : « On est responsable tous les jours de la sécurité et pas seulement lors de la visite de la commission. » Et Rodolphe Temple d’ajouter : « On fait bien ce que l’on fait souvent. C’est pourquoi nous faisons des manœuvres toutes les semaines. »
Quant au commandant Didier Rémy, ce qui l’intéresse dans les visites de commission, c’est l’échange pour savoir si les différents personnels sont en capacité de faire face à un sinistre. « Auparavant, la commissions de sécurité menait un contrôle sanction, aujourd’hui, elle mène un contrôle accompagnement », conclut-il.
Martine Porez – Journaliste
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