Dramatique feu d’immeuble à Reims
Dans la nuit du 5 au 6 juin 2025, un incendie particulièrement brutal et violent éclate dans un immeuble de dix étages en périphérie de Reims. Quatre occupants y perdront la vie. Outre l’origine supposée, une trottinette en charge, le niveau de sécurité de ces immeubles vieillissants et la faible sensibilisation au feu des occupants interrogent.
Prévenus à 0h22 de l’incendie, les sapeurs-pompiers dépêchent un premier détachement, auquel vont très rapidement s’ajouter des renforts. La police, présente peu avant, a procédé à un premier guidage des occupants déferlant à l’extérieur depuis la quarantaine d’appartements occupés, tandis que d’autres se devinent appelant aux fenêtres, derrière l’écran de flammes et de fumées. Un jeune garçon défenestré est d’emblée pris en charge, et décèdera peu après sur place. Un violent feu ravage un appartement au 4e étage, dont plusieurs fenêtres sont embrasées, ainsi que le revêtement de façade qui va propager les flammes vers les étages supérieurs. Deux lances sont établies par l’escalier, suivies d’une 3e sur échelle aérienne, après que les sauvetages ont été réalisés. L’objectif est de stopper la propagation par l’extérieur et de temporiser les feux se développant aux 5e, 6e et 7e étages. Un message précise notamment : « Violent feu d’appartement au +4 d’un immeuble R+10. Propagation aux étages supérieurs, deux lances 500 en manœuvre et une sur échelle. Évacuation et sauvetage de victimes en cours, ainsi que le dénombrement et la catégorisation ». Une structure d’accueil médicale est activée, constituée de VSAV, de Smur et de moyens associatifs de la Croix-Rouge. Une soixantaine de personnes sont à catégoriser en urgence absolue ou en urgence relative.
Dramatique feu à Reims : quatre décès
Peu avant 2 h 30, un bilan fait état de trois décès, dont un dans l’appartement d’origine, de quinze victimes extraites de l’immeuble par les moyens des pompiers, à savoir les échelles et communications existantes, et d’une trentaine de personnes impliquées. Trois victimes, dont deux femmes enceintes, sont déjà dirigées vers le CHU de Reims.
Les sapeurs-pompiers poursuivent leur progression par l’escalier vers les étages supérieurs, éteignant successivement les appartements. Le feu est éteint peu après 3 h 30. Le bilan final fera état de 4 personnes décédées, une autre victime ayant été retrouvée dans les étages par les pompiers. Sans l’intervention du Sdis 51, le nombre de morts aurait pu être bien plus élevé : 23 personnes auront été sauvées via des moyens aériens, 17 par les communications existantes, et une autre victime aura été secourue par les policiers en patrouille dans le quartier.
L’ensemble des sinistrés sera relogé dans la journée. Plus d’une soixantaine de sapeurs-pompiers, 40 policiers, des équipes Smur, et les éléments de la Croix-Rouge auront été engagés.
Enseignements de ce feu
Si la cause de l’incendie, une trottinette électrique en charge, illustre la banalité de l’origine au regard du bilan (4 morts, des urgences absolues, des intoxications par dizaines), il met aussi l’accent sur la sensibilité à l’éclosion d’un incendie de certains immeubles d’habitation de 3e ou 4e famille, plutôt anciens, même s’ils sont bien entretenus. La conception des lieux, les réhabilitations successives, le comportement inadapté des occupants dans les immeubles au quotidien (portes palières bloquées, colonnes sèches détériorées, balcons surchargés), font que, en cas de sinistre, on peut parfois assister à des catastrophes.
L’origine du feu : un incendie de batterie lithium-ion
La violence d’un feu ne dépend pas uniquement de ses conditions d’éclosion, mais aussi de l’environnement favorable à son développement. À Reims, à la violence particulière du feu, il faut ajouter comme circonstance du drame l’environnement architectural et mobilier, la position de la trottinette par rapport à la porte de l’appartement, piégeant les occupants, les matériaux employés lors de la réhabilitation de la façade, et le comportement des occupants.
Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes. Selon les premiers éléments recueillis, l’appartement du 4e étage, siège de l’incendie, était occupé par un adulte et deux adolescents de 13 et 14 ans. Le jeune de 13 ans appelle sa mère, momentanément en Guyane, pour l’avertir du feu de la trottinette, demandant conjointement à une voisine d’appeler les pompiers. Le feu doit être d’emblée extrêmement violent et barrer la sortie pour que l’un des jeunes, et l’adulte, sautent du 4e étage. La chute est fatale au jeune de 13 ans, alors que l’adulte parvient à y survivre, au point de pouvoir remonter et être finalement découvert par les sauveteurs sur le palier, gravement brûlé au visage. Il tentait sans doute de rejoindre le second adolescent, découvert carbonisé après l’extinction de l’appartement.
Outre le logement, le feu attaque le revêtement de polystyrène qui tapisse la façade du bâtiment. Corollaire des réhabilitations des années 1970 et 1980, ce type d’isolation s’accompagne de la mise en place de fenêtres et de volets en PVC. Tous ces éléments facilitent une propagation verticale par l’extérieur, susceptible de briser les vitres et de se propager aux appartements supérieurs. Mais ici, la présence d’un conduit de vide-ordures désaffecté aurait pu faciliter la transmission verticale du feu, ce qui rend plus difficile la lutte contre les propagations.
Si la porte de l’appartement à l’origine du feu a été ouverte ou détruite, l’enfumage de l’escalier va considérablement entraver les évacuations par ce vecteur, initiées par une patrouille de police peu avant l’arrivée des sapeurs-pompiers. 2 policiers seront intoxiqués.
Quelques heures après le drame, la façade de l’immeuble porte les stigmates du violent incendie qui a coûté la vie à quatre personnes. © Capture d’écran M6.
Un scénario de feu particulièrement difficile pour les pompiers
Ce type de scénario d’incendie est des plus délicats pour les sapeurs-pompiers. Il faut savoir prioriser l’ordre des sauvetages, alors que la panique s’empare des victimes parfois acculées par le feu ou les fumées aux fenêtres. Ce sont prioritairement les occupants des étages situés au-dessus du feu qui sont réellement menacés. L’attaque doit être simultanée, une lance d’atténuation en façade pouvant faciliter les sauvetages et temporiser le feu, alors qu’une autre par l’escalier permettra de conserver l’intégrité de cet axe d’évacuation privilégié, pour renforcer l’attaque et permettre les sauvetages par les communications existantes. Deux lances y sont établies. 23 sauvetages seront effectués par échelles à mains et deux échelles aériennes, les occupants les plus directement exposées aux gaz chauds et fumées se trouvant dans les derniers niveaux.
Deux occupants du 9e étage vont être piégés par les fumées. Si l’un d’eux sera retrouvé en arrêt cardio-respiratoire et déclaré décédé, l’autre va tout de même tenter d’emprunter l’escalier, enfumé, mais devant leur densification et la chaleur à l’approche du 4e étage, il va rebrousser chemin. Cinq personnes impliquées seront également découvertes grâce à d’ultimes reconnaissances aux 9e et 10e étages.
On observe sur chacun de ces dramatiques incendies d’immeubles d’habitation, ou d’hôtels, que quelques gestes simples auraient pu épargner des vies. Ne pas fuir si l’escalier est enfumé, fermer sa porte palière et la mouiller, fermer le maximum de portes entre soi et le feu, signaler sa présence à la fenêtre, ou se localiser auprès des pompiers par téléphone, s’accroupir pour rester sous le plafond de fumée, ne pas sauter dans le vide, acte le plus souvent mortel à partir du 3e étage. La surpopulation et la présence de nombreux enfants peut aussi entraîner des comportements incontrôlables face au feu.
Il semble probable, en croisant les premières constatations sur place et le contenu de l’appel du jeune adolescent à sa mère, que l’origine du feu soit sur ou autour de la trottinette, glissée entre un congélateur et un lave-linge.
Une multiplication des incendies liés aux batteries lithium-ion
Les feux de trottinettes ou autres équipements électriques en charge se multiplient, mais restent relativement rares au regard du nombre de machines en service. Pourtant, les sapeurs-pompiers ont depuis de nombreuses années tiré la sonnette d’alarme : depuis janvier 2025, selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, une cinquantaine de feux ont été attribués à une trottinette. Entre 2020 et 2022, le nombre de feux de ce type a été multiplié par quatre ! À New York, il a été multiplié par 9 en 4 ans, et rien que sur l’année 2023, on compte 18 morts et 150 blessés. En février 2025, un incendie de trottinette a entraîné la mort d’un journaliste et blessé 22 personnes. Ces tristes résultats ont poussé les pompiers de New York à élaborer des campagnes de sensibilisation, portant sur le choix des matériels, chargeurs, batteries, tout comme les lieux de charge.
Plusieurs services d’incendie français faisant la même analyse ont élaboré des campagnes de sensibilisation, comme le Sdis 78 qui utilise en outre les rideaux latéraux de ses engins pour y diffuser des messages. Les consignes données sont notamment les suivantes : ne pas charger la nuit, trouver un local au faible potentiel calorifique (salle de bains, toilettes, etc…) et équipé d’un détecteur de fumée, ne pas placer l’appareil en charge sur un axe d’évacuation, (couloir d’entrée d’appartement), ne pas les recharger dans le couloir de l’immeuble, car en cas d’incendie il risque de bloquer l’évacuation de plusieurs appartements, utiliser le chargeur correspondant à l’appareil, éviter les achats de chargeurs à bas prix en ligne. Les feux de batteries de trottinettes, ou de vélos, en charge ou non, sont rapidement violents, projetant des éléments enflammés alentour, tout en développant une fumée abondante et toxique. Si l’extinction reste des plus aléatoires, le feu encapsulé reprenant dès qu’un nouvel élément de batterie s’enflamme par emballement thermique, il faut fermer les portes du local pour bloquer l’étalement de la fumée, et retenir les projections, en l’attente des secours.
Article extrait du n° 609 de Face au Risque : « La santé mentale au travail » (septembre-octobre 2025).
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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