Incendie d’immeuble à La Rochelle : un bâtiment peut en cacher un autre

8 août 202510 min

Le 26 février 2025, les sapeurs-pompiers de La Rochelle ont été confrontés à un feu d’immeuble d’habitation couvert de bois, particulièrement retors. Si le feu est circonscrit en deux heures et demie, le foyer principal sera maîtrisé quatre heures plus tard, et déclaré éteint une quinzaine d’heures après !

Les pompiers ont établi une lance permettant d’attaquer le feu par le haut © Sdis 17

Un bâtiment déjà évacué

À 14 h 39, le 1er engin se présente sur l’incendie. À ce moment-là, la gravité du sinistre n’est pas vraiment perceptible, outre le panache de fumée. L’immeuble est assez peu occupé en début d’après-midi et il est déjà évacué. C’est en contournant le bloc que la gravité de la situation apparait, avec un violent foyer couvrant la façade, du rez-de-chaussée à la toiture ! Outre les lambris de façade, un alignement vertical de cabanons emplis de matières combustibles propulse le feu vers les étages supérieurs. Il faut atténuer ce brasier par une première lance de plain-pied, et tenter de stopper l’étalement horizontal du feu sous les balcons faisant déflecteurs. Lorsque le complément d’engins se présente quelques minutes après, le feu, s’il est assez verticalisé en façade arrière d’où il est parti, s’étend maintenant via le bardage bois de la face contiguë. Deux lances supplémentaires sont établies au sol et une sur échelle aérienne. L’effet des lances n’est pas optimal, les balcons masquant partiellement les façades, et le feu courant sous les lambris, à l’abri des jets.

Le feu occupe maintenant partiellement trois façades. Vers 15 h, de la fumée commence à se dégager du comble de l’appartement du 4e étage, en extrémité du bloc. Une lance est hissée au 4e étage. Celui-ci va s’embraser une trentaine de minutes plus tard. Les deux combles contigus vont successivement connaître le même sort, jusqu’à 17 h, le dernier coiffant un appartement du 5e étage. Une 5e lance est établie sur une seconde échelle aérienne. Des tentatives de découpe des parois de bois pour purger les volumes avant qu’ils ne s’embrasent sont de plus contrariées par un vent fort mettant la façade à l’origine du feu en surpression et poussant le feu dans les appartements après éclatement des baies vitrées.

Feu instructif 608 La Rochelle - Dessin René Dosne

Une intervention qui dure toute la nuit

Après ces phases violentes, c’est une « guerre de position » fastidieuse que les sapeurs-pompiers vont engager, découpant avec difficulté les parois isolantes pour mesurer l’avancée du feu derrière, dresser des lignes d’arrêt, tentant de stopper cet effet de mèche qui intéresse partiellement trois des quatre faces du bâtiment.

Le travail se poursuivra toute la nuit, après la maîtrise du feu, vers 21 h. La traque des derniers foyers tapis derrière les lambris continuera jusqu’à près de 13 h le lendemain, heure où enfin on déclarera ce feu éteint. Plus de 80 sapeurs-pompiers auront été engagés au plus fort de cette longue intervention. Seize appartements sont impactés, sept détruits par le feu, quatre fortement impactés et cinq par le ruissellement des eaux d’extinction. Si cet immeuble a offert, par sa conception, une voie royale au feu par toutes sortes de modes de propagation, Il a en revanche opposé nombre de défis aux sapeurs-pompiers !

L’origine du feu est encore imprécise et soumise à enquête. Les premiers signes du feu apparaissent au rez-de-chaussée de la façade arrière, en présence des occupants, provenant de l’appartement ou sur l’espace privatif extérieur, souvent occupé de mobilier de jardin, et du cabanon extérieur, généralement bien rempli. Emballement de batterie en charge, barbecue, bricolage… les premières images prises par un occupant montrent un feu s’attaquant déjà au balcon du deuxième étage, avant qu’une boule de feu semblable à celle d’un récipient de gaz n’apparaisse brutalement. Les secours ne sont pas encore présents.

À une première phase de feu violent, s’étendant d’abord verticalement puis horizontalement, entraînant par la nature des éléments combustibles, de leur disposition et de l’effet du vent, de gros volumes de flammes, faisant exploser les baies des appartements dans lesquels il pénètre, en succède une seconde. Celle-ci est caractérisée par le remplissage des volumes de combles des appartements des quatrième et cinquième étages, puis leur embrasement.

Puis, enfin, une véritable guerre de positions, avec dégarnissage et lignes d’arrêt, qui durera jusqu’au lendemain midi, au terme d’une traque du feu dans cette façade multicouches qu’il faut découper et ouvrir. Le feu retombera vers les étages inférieurs par endroits, après que la destruction ou le tassement de la laine minérale eut créé des lames d’air véhiculant des gaz de pyrolyse.

En d’autres endroits, des pans entiers de lambris pourtant peu calcinés se détacheront de la façade, laissant apparaître un lit de tasseaux consumant et ayant détruit les attaches. Au regard de l’avancée du feu au moment où le premier engin stoppe, on pourrait penser à une alerte tardive, mais peu compatible avec la fréquentation locale et les axes de circulation voisins. La présence et la disposition des matériaux combustibles autour du foyer d’origine, ajouté d’un vent soutenu, peut l’expliquer.

L’immeuble est couvert de bardage en bois, particulièrement inflammable © Sdis 17

L’immeuble est couvert de bardage en bois, particulièrement inflammable.
© Sdis 17.

Continuité verticale

Pour les sapeurs-pompiers, la lecture du bâtiment est peu claire et ce qui apparaît comme des balcons sont en fait sur la façade principale des coursives extérieures desservant les appartements, détachées de la façade de plus d’un mètre, configuration rare permettant au feu de grimper sans entrave jusqu’en toiture. Sur la face arrière, les balcons de béton sont détachés de la façade de l’épaisseur de l’isolant… offrant au feu là aussi une continuité verticale. L’isolation extérieure est constituée d’une épaisse couche de laine minérale, de tasseaux croisés, d’un pare-pluie et enfin du lambris de bois fixé sur les tasseaux. Si le lambris, d’environ 4 cm d’épaisseur, résiste correctement au feu, les tasseaux le portant brûlent, la laine minérale carbonise et se rétracte, offrant ainsi des cheminées verticales où le feu se développe sans être vu. La présence de vides de plus d’un mètre entre coursives et façade principale complique l’accès au revêtement pour le découper.

Très présents dans les pays nordiques, les immeubles où les appartements sont desservis par des coursives extérieures présentent en cas d’incendie des avantages, mais aussi des risques. Si en cas d’incendie ils offrent des circulations horizontales et verticales non enfumées, permettant le glissement et le regroupement d’occupants à évacuer, en les éloignant du feu, quid de la coursive, bordée de lambris et de garde-fous en bois, de matériaux combustibles tels que dans cet immeuble, et qui pourrait piéger des occupants dans des tronçons barrés par les flammes ? Heureusement l’incendie est survenu de jour !

Enfin, autre facteur aggravant s’il en fallait encore, la présence de cabanons privatifs en bois et PVC, créant une ligne combustible verticale, vraisemblablement emplis d’objets et de produits divers, présents à proximité immédiate de la zone de feu initiale.

Des déflecteurs existaient horizontalement sur la façade principale, la recoupant sensiblement en deux. Réalisant une interruption de la couche isolante, Ils ont bien stoppé les descentes de feu vers les étages inférieurs. Toutefois, la faible épaisseur de la corniche métallique ne permettrait pas de stopper une propagation verticale par les lambris. Le même procédé devrait être réalisé verticalement, permettant aux secours d’établir plus facilement des lignes d’arrêt, et en quelque sorte « quadriller » les façades.

L’incendie aura donné du fil à retordre aux pompiers pendant près de 24 heures, entre l’arrivée du premier engin et l’extinction totale du feu. © Sdis 17.

L’incendie aura donné du fil à retordre aux pompiers pendant près de 24 heures © Sdis 17

Feu de résidence hôtelière à Bourg-Saint-Maurice

Récemment, un autre incendie du même type a touché une résidence hôtelière en Savoie. Le 18 mai 2025, vers 19 h 15, un complexe de trois étages, comprenant 342 appartements dont une quarantaine occupés, s’est embrasée aux deux tiers. En forme de « U », de 2 000 m² au sol, il a vu peu avant 21 h une première, puis une seconde aile s’embraser en totalité. Le foyer principal sera éteint environ sept heures après.

Un sauvetage par l’extérieur a dû être effectué, ainsi que quatre mises en sécurité. Le réseau d’eau d’incendie n’a pu être exploité à sa pleine capacité, (128 m³/h) qu’après intervention du fournisseur d’eau. 112 appartements auront tout de même été préservés. 95 autres totalement détruits. L’immeuble, en béton, était recouvert partiellement de lambris, et de balcons bois. Plus de 90 sapeurs-pompiers de trois départements auront été engagés.

L’immeuble d’habitation, réglementairement classé en 3e famille, s’élève sur cinq étages avec une surface au sol d’environ 700 m² (15 m x 45 m), isolé sur ses quatre faces, bordé par deux voies de circulation aux extrémités, un parking sur sa face principale, et une aire végétalisée inaccessible aux engins sur la face arrière. Composé de 32 appartements, il est constitué de deux blocs R+4 et R+5 séparés par un escalier à l’air libre et un ascenseur.

La face principale est bordée de coursives, qui desservent par l’extérieur les appartements, traversants. Les trois autres faces sont bordées de balcons filants. Construit en béton, il est « emballé » d’une isolation extérieure multicouches en laine minérale, couverte par un lambris de bois, courant sur l’essentiel des façades du sol aux toitures, sans interruption. Les coursives et balcons sont en béton brut, avec garde-fous en bois. Chaque appartement comprend un cabanon de rangement, bois et PVC.

Ils sont ceux réglementairement imposés dans les immeubles d’habitation de 3e famille des années 2010-2012 : extincteurs, pas de « tirez-lâchez » ni de désenfumage puisque les circulations horizontales et verticales sont à l’air libre. Un poteau d’incendie est à moins de 100 m, un second à 300 m. L’édifice est inconnu des sapeurs-pompiers dont le centre de secours le plus proche est à moins de 4 km.

Ce type de sinistre se rencontre habituellement dans les stations de montagne et nous en relatons régulièrement dans les colonnes de Face au Risque. Ces immeubles sont généralement en béton et recouverts « façon chalet » de lambris et de balcons bois. L’utilisation à marche forcée du bois par des promoteurs et architectes véhicule une image « éco-responsable » et exporte de ce fait depuis plus d’une décennie le problème dans les vallées.

Outre les feux en stations de montagne, soulignons les feux généralisés de façade à Draguignan (Face au Risque n°554), le feu de Cabourg (Face au Risque n°594), et le meurtrier feu de Lavelanet, tous initiés par une source extérieure (voiture, deux-roues, barbecue…).

Partagez cet article !


Article extrait du n° 608 de Face au Risque : « Vidéosurveillance algorithmique » (juillet-août 2025).

René Dosne, lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

René Dosne

Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris

Les plus lus…

Icône newsletter 2024

Inscrivez-vous
à notre
newsletter

Recevez toutes les actualités et informations sûreté, incendie et sécurité.

Logo WhatsApp 538px

Rejoignez notre
chaîne WhatsApp