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Inondations de Vaison-la-Romaine, il y a 30 ans
Le 22 septembre 1992, à la suite d’orages violents, une terrible crue dévaste la ville de Vaison-la-Romaine (Vaucluse) et ses alentours. Bilan : 47 morts.
Depuis la veille, la Vallée du Rhône est le théâtre de vents violents et d’orages. Ceux-ci se décalent le mardi 22 septembre 1992 vers Vaison-la-Romaine, une bourgade touristique du Vaucluse située au pied du mont Ventoux et traversée par l’Ouvèze, un affluent du Rhône.
À 11 h, un orage éclate. Pendant une heure, des pluies diluviennes s’abattent sur la ville. Après une accalmie, un second orage fait rage de 13 h à 16 h avec des pluies qui redoublent d’intensité. Ainsi, 179 mm tombent en quelques heures sur Vaison-la-Romaine et jusqu’à 300 mm en certains points de la région (la moyenne étant d’environ 80 mm par mois). Les enfants d’une école située près de la rivière sont mis en sécurité à l’étage de l’établissement. Les rues se transforment en torrents. L’Ouvèze gonfle et sort de son lit.
Le niveau de la rivière monte de 15 m
À 15 h, une première coulée de boues provoquée par les fortes précipitations dévale sur la ville et atteint le camping municipal et un lotissement. Puis, une heure plus tard, une seconde coulée emmène tout sur son passage. Les caravanes se fracassent sur le pont romain datant du 1er siècle qui relie la cité médiévale et la ville basse et qui enjambe l’Ouvèze où les eaux en furie montent de 15 m en quelques minutes.
Elles détruisent le parapet du vieux pont romain mais il résiste, contrairement aux deux autres ponts récents plus en aval. Les maisons proches du lit de la rivière sont elles aussi emportées ou endommagées, tout comme le site gallo-romain.
La caserne des pompiers et le centre de télécommunication sont inondés, ce qui prive de téléphone une partie de la région. Le plan Orsec est déclenché à 17 h.
Peu à peu, les pluies réduisent d’intensité et vers 22 h, la décrue s’amorce.
Pompiers, gendarmes, militaires et bénévoles s’activent pour venir en aide aux victimes. Certaines sont montées sur le toit de leur maison ou se sont accrochées aux branches des arbres. Le gymnase de la ville sert de PC opérationnel mais également de chapelle ardente où des corps sans vie arrivent peu à peu. Après 24 heures, les secours n’ont plus d’espoir de retrouver des survivants.
Le bilan humain fait état de 47 morts dont 34 à Vaison-la-Romaine. 80 familles ont perdu leur habitation et 50 entreprises sont touchées.
La situation géographique de Vaison-la-Romaine
L’orage s’est adossé au mont Ventoux tout proche et y est resté coincé, déversant des trombes d’eau sur la région.
L’Ouvèze compte plusieurs affluents dont le Toulourenc qui descend du Ventoux et se jette dans son lit à l’entrée de Vaison-la-Romaine. Le 22 septembre, tous ces cours d’eau « déjà gonflés par les fortes précipitations transforment le pont antique en goulet d’étranglement », explique La Chaîne Météo. En effet, cette masse d’eau boueuse chargée de végétaux et de divers détritus ne peut franchir le pont de 15,60 m de large et ira même jusqu’à dépasser sa hauteur et détruire son parapet.
Des causes aggravantes
Selon l’universitaire Jean-Louis Ballais, co-auteur du rapport « La catastrophe de Vaison-la-Romaine : une inondation dans un géosystème anthropisé », les interventions humaines sur le paysage ont joué un rôle non négligeable dans la catastrophe. Tout d’abord, le rapport cite l’extension forestière des massifs depuis la fin du XIXe siècle. Elle « tend à concentrer les écoulements » et « permet une évacuation plus rapide des débits des crues ».
Puis il pointe le développement de la monoculture de la vigne depuis la seconde guerre mondiale. Elle fournit « une charge solide considérable qui augmente nécessairement le volume et la hauteur du flot de crue ».
Enfin, il met en cause l’aménagement du lit de la rivière qui « canalise trop étroitement le lit mineur dans la traversée de la ville afin de gagner des terrains constructibles sur le lit majeur ».
En complément, l’enquête des gendarmes indique que les plans d’occupation des sols établis à Vaison-la-Romaine ne font jamais mention de l’Ouvèze et « de son régime torrentiel en temps de crue ». Par ailleurs, en 1983, le terrain de camping municipal est passé de « zone inondable » à « zone constructible »…
Un ancien préfet du Vaucluse, Pierre Hosteing, est la seule personne à être mise en examen à la suite de cette catastrophe, pour homicides involontaires. En effet, en 1965, il avait autorisé la construction du lotissement emporté par le torrent de boue. Il bénéficie d’un non-lieu en 1996.
Les leçons tirées
Les dégâts matériels sont considérables. En dépit des subventions et des assurances, la commune s’endette lourdement pour se reconstruire. Le côté esthétique est soigné : il faut de nouveau accueillir les touristes. Mais surtout, des mesures de sécurité sont mises en place.
Un dispositif de surveillance de l’Ouvèze est installé. Si son niveau « dépasse 2,20 mètres, un premier plan de vigilance s’enclenche. En cas de fortes pluies et de montée des eaux, un système d’alerte est diffusé aux habitants qui doivent évacuer leur habitation », explique le chargé de communication de la mairie à France Info.
Par ailleurs, le lit de la rivière est élargi pour favoriser la circulation de l’eau et faire face à un débit de 800 m3 à la seconde contre 500 m3 auparavant. Son entretien ainsi que celui de ses abords sont également améliorés.
Le pont romain datant du 1er siècle a été un goulet d’étranglement lors de la crue. Mais il a résisté et seul son parapet a été emporté. Crédit : Carole Raddato/Flickr/Cc
Et dans les zones inondables, 320 habitations sont détruites et campings et lotissements sont prohibés. L’école est rasée et un nouveau groupe scolaire est reconstruit.
Malgré toutes ces mesures, Jean-Louis Ballais craint cependant que les aménagements soient insuffisants et risquent de reporter sur l’aval de Vaison-la-Romaine les futures inondations. Dans son rapport, il redoute que « la logique générale des aménagements, tout au long de la rivière, n’aggrave de prochaines crues au lieu de les minimiser ».
Article extrait du n° 585 de Face au Risque : « Communication de crise » (septembre 2022).
Martine Porez – Journaliste
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