Plan d’actions post-Lubrizol. Quel impact sur l’industrie ? L’exemple d’Arkema à Pierre-Bénite (69)

1 février 20216 min
Arkema à Pierre Bénite - Crédit: Arkema

La règlementation post-Lubrizol impacte de nombreuses industries. Focus sur Arkema, établissement Seveso seuil haut à Pierre-Bénite.

Établissement classé Seveso seuil haut, implanté en pleine métropole à Pierre-Bénite (Rhône), Arkema fabrique, en continu, des gaz fluorés sous forme de gaz liquéfiés ainsi que des polymères fluorés, très utilisés dans la chimie et dans des secteurs de pointe comme l’électronique. Il est situé sur une plateforme qui s’étend sur 33 hectares et qui est composée de l’usine de production avec 400 personnes environ et d’un centre R&D qui compte 200 personnes. La plateforme accueille également les entreprises Daikin et Kemira.

« L’acide fluorhydrique, substance classée très toxique, est l’une de nos matières premières principales. On utilise aussi des solvants mais qui ne sont pas inflammables, explique Vincent Marchand, responsable du service HSE du site. Nous avons peu de liquides inflammables mais nous fabriquons des gaz liquéfiés inflammables. Tous nos gaz liquéfiés sont expédiés en isoconteneurs d’une vingtaine de mètres cubes environ, ou en wagon. »

Le service HSE est composé de 35 personnes : des personnels à la journée (ingénieur sécurité, environnement, techniciens, préventeurs) et 21 pompiers salariés Arkema, répartis en 5 équipes. Ces derniers sont capables d’intervenir très rapidement après la détection du sinistre, la caserne étant implantée sur le site, et font beaucoup de formations, notamment le recyclage des personnels à la manipulation des extincteurs, la formation des SST (une centaine sur le site). Ils assurent également une fonction de prévention. Ils valident les permis de feu, font les mesures d’explosivité, les contrôles après la fin des travaux et délivrent les permis de pénétrer dans les zones confinées.

Ce qui existait avant l’incendie de Rouen

Le système de détection incendie fixe a été récemment rénové. « Toutes les alarmes sont reportées au poste de commandement des pompiers du site. Et on a l’équivalent pour la détection de gaz toxique, dans chaque unité, indique Vincent Marchand. Sur le site, nous avons donc de la détection de gaz toxique et inflammable, de flammes sur les stockages de gaz inflammables liquéfiés ainsi que des mesures passives sur nos capacités de stockages de gaz liquéfiés. Nos bacs de gaz inflammables liquéfiés sont ignifugés et sont tous sur fosse de rétention. » Toutes les eaux d’extinction sont collectées dans un bassin de sécurité de plus de 8 000 m3.

« Concernant l’extinction, nous avons un arrosage sur les bacs alimenté par une pomperie propre au site qui prend de l’eau de nappe et qui permet de délivrer 1 200 m3/h pendant 2 heures, ajoute le responsable HSE. Toute cette installation est gérée par nos pompiers qui en assurent aussi la maintenance. »
En cas d’accident, le site dispose d’une cellule d’astreinte composée de neuf personnes (direction, sécurité, fabrications, services techniques), mobilisable 24 h sur 24.

Chaque mardi, à la relève d’astreinte, un exercice de simulation d’accident est organisé. Mobilisation complète de l’équipe d’astreinte en salle POI et sur le terrain, test des moyens d’alerte, intervention réelle des moyens de secours du site, interventions des SST si nécessaire, test des numéros des différents interlocuteurs en cas de crise : ces exercices permettent de vérifier les actions réflexes, les temps de mise en place de la cellule POI, les schémas d’intervention des pompiers du site, les matériels…

« Nous avons 14 études de dangers sur le site et donc un catalogue de plus de 100 scénarios d’exercices. Par exemple une fuite de gaz inflammable liquéfié sur un conteneur ISO, une fuite de gaz toxique suite à une fuite sur une tuyauterie, un débordement de bac…, illustre Vincent Marchand. On essaie de tester l’intégralité des scénarios sur deux ans. »  Le site réalise par ailleurs, chaque année, un scénario de type POI ou PPI avec la participation du SDMIS.

Vincent Marchand - Crédit: Arkema

La réglementation va surtout nous impacter concernant l’évaluation des risques de nos entrepôts. Avant, la réglementation concernait les substances inflammables. Maintenant, on parle de la notion de combustibles.

Vincent Marchand
Responsable du service HSE du site Arkéma de Pierre-Bénite

Après l’incendie de Rouen

Vincent Marchand voit trois principales évolutions, qui sont venues renforcer l’aspect opérationnel d’une gestion de crise :

  • la réalisation d’un exercice d’urgence hors heures ouvrées un samedi matin à 5 h 30, compatible avec un exercice POI en termes de cinétique ;
  • la création d’une requête sur le système de gestion des stocks qui permet à l’équipe d’astreinte d’éditer un état en temps réel des stocks, à distance si besoin, ainsi que les encours de fabrication. Les équipes d’astreinte ont été formées à ces nouvelles routines ;
  • l’amélioration du dispositif de plan de localisation des stocks avec une liste des dangers associés. « On avait avant le plan des secteurs, là c’est une implantation au niveau du site à l’échelle complète. On dispose d’un plan générique sur lequel l’intégralité des stocks est visible », rapporte-t-il.

Suite à l’incendie de Rouen, les équipes ont par ailleurs beaucoup discuté des effets dominos et les membres de l’astreinte ont échangé sur la gestion de crise et la communication.

Les nouvelles mesures réglementaires

« La réglementation va surtout nous impacter concernant l’évaluation des risques de nos entrepôts, remarque Vincent Marchand. Avant la réglementation concernait les substances inflammables, maintenant on parle de la notion de combustibles. » Et d’ajouter : « On va devoir également donner plus de précisions sur les produits de décomposition dans les études de dangers. »

Concernant les mesures environnementales en cas d’accident, l’entreprise est en train de travailler sur des partenariats avec les agences de l’air locales.


Article extrait du n° 569 de Face au Risque : « Plan d’actions post-Lubrizol : l’impact sur l’industrie » (février 2021).

Gaëlle Carcaly
Journaliste

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